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le sera. La loi électorale a été votée dans le courant de novembre 1858 ; le 28, les élections ont lieu ; le 30, l’assemblée se réunit. Son premier acte est de voter des remerciemens aux puissances qui, par le traité de Paris, ont garanti les droits du peuple serbe ; puis, dans une adresse à la Porte, elle réclame contre l’opposition que la Turquie vient de faire à la convocation de la skouptchina, contre l’envoi d’un commissaire, surtout contre l’intention que manifestait ce personnage d’assister aux séances de l’assemblée. Ces points réglés, les représentans de la Serbie peuvent donner toute leur attention aux affaires intérieures. Il convient de remarquer ici que la skouptchina de 1858 n’était plus, comme autrefois, un de ces congrès tumultueux où se pressaient des milliers de Serbes, et qui, incapables d’une délibération, ne pouvaient que répondre par des cris, par des oui ou par des non, à des demandes préparées d’avance. Les anciennes skouptchinas ne duraient guère plus de quatre jours ; celle-ci se compose de quatre cent trente-sept députés qui peuvent traiter librement toutes les questions. Voilà donc le système représentatif introduit chez ce petit peuple, instruit déjà par tant d’épreuves, et savez-vous quel est le premier vote de l’assemblée nationale ? Savez-vous quel acte va sortir de ce premier appel à la conscience du pays ? Un acte d’accusation contre le prince Kara-Georgevitch. C’est le prince qui est cause de l’abaissement du pays ; le prince s’est séparé du sénat et de la nation, le prince n’a jamais eu avec le sénat que des rapports irréguliers, et depuis dix ans il a refusé de convoquer la skouptchina malgré des promesses solennelles, le prince livre toutes les places aux parens.de la princesse sa femme, le prince est l’exécuteur des volontés de l’Autriche ; que de réfugiés politiques livrés par Kara-Georgevitch à la police des Habsbourg ! que de taches à l’honneur du pays serbe ! Tout cela était dit sans violence, simplement et naturellement, comme s’il eût été impossible de tenir un autre langage, comme si la conscience du pays n’eût fait que se soulager par cette publique expression de ce qui remplissait toutes les âmes. La conclusion est originale. Cette espèce de grand jury, qui voulait remédier au mal sans recourir à la force, somme le prince d’abdiquer ; dix-sept membres de l’assemblée, représentant chacun un des dix-sept districts de la Serbie, se rendent chez Kara-Georgevitch, et l’invitent à déférer au vœu de la nation. Il répond qu’avant de rien décider il veut consulter ses ministres, s’entendre avec le sénat ; mais le sénat était en ce moment même saisi de la question par l’assemblée nationale. Effrayé de la marche rapide des choses, le prince chercha un refuge dans la forteresse occupée par les Turcs. Le lendemain 23 décembre, l’assemblée déclara qu’Alexandre Kara-Georgevitch avait cessé de régner, et proclama prince de Serbie