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transitoires, qui ont pu servir au développement de l’humanité, mais que la raison humaine doit maintenant rejeter, ainsi qu’on repousse du pied l’échelle à l’aide de laquelle on a atteint le sommet. Pour appeler les choses par leur nom, le positivisme n’est autre chose que le matérialisme et l’athéisme, acceptés plus ou moins explicitement. Sur quoi maintenant se fondent les positivistes pour établir que la matière et ses forces sont le seul objet du savoir humain ? Sur deux argumens, l’un philosophique, l’autre historique. D’une part, ils soutiennent avec Condillac que toutes nos idées viennent des sens, et par là ils sont logiquement conduits à nier tout ce qui est au-delà ; de l’autre, ils invoquent une prétendue loi historique d’après laquelle l’homme passerait de l’état théologique à l’état métaphysique, et de l’état métaphysique à l’état positif. Ces deux argumens succombent, l’un devant la philosophie, qui avec Kant et Leibniz découvre dans l’esprit humain des idées supérieures aux sens, l’autre devant l’histoire, qui nous montre les trois états d’Auguste Comte, non pas successifs, mais contemporains. L’esprit humain subsiste toujours tout entier.

Le panthéisme dépasse le cercle étroit où le positivisme veut enchaîner la raison. Il s’élance jusqu’au principe même des choses, et prétend l’atteindre par une méthode absolue. Son rêve, c’est l’unité universelle. De l’unité de la vérité, il conclut à l’unité de l’être ; il confond l’idée et la réalité, la science et l’existence, et abolit tous les êtres en les concentrant dans un seul, lequel n’est plus qu’une notion impersonnelle, un nom stérile qui tombe à son tour dans le néant. La conséquence inévitable du panthéisme, c’est l’idolâtrie humaine, l’anéantissement de toute personnalité, de toute individualité, de toute liberté. Fondé sur une méthode arbitraire, niant résolument l’expérience, le panthéisme vient échouer devant la conscience et les instincts éternels du cœur humain. Telle est du moins cette espèce de panthéisme, que l’on peut appeler idéaliste, où Dieu se réduit à l’idée de l’être universel, c’est-à-dire à une pure abstraction. Une autre forme plus concrète, plus conséquente et plus simple est le panthéisme matérialiste, en d’autres termes l’athéisme, solution claire et commode en apparence, mais qui, au lieu d’expliquer le problème, le supprime. Le problème, c’est la complexité, la dualité de l’être humain, physique et moral, âme et corps. Le matérialisme lui-même commence par reconnaître cette distinction. Matière et force, dit-il ; donc la force est autre chose que la matière ; puis il confond ce qu’il a distingué, et croit avoir expliqué le problème en considérant comme inséparables deux éléments distincts. Au fond, le matérialisme, comme le panthéisme, explique tout par une abstraction.

Il reste encore un grand système : c’est le scepticisme, qui