Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 81.djvu/279

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
273
CHRYSOSTOME ET EUDOXIE.


preinte d’une apparente franchise, plut au prince, qui se tourna vers Antiochus et lui dit en souriant : « Cela me paraît bon, il faut le faire. » À ces mots, les antagonistes d’Elpidius pâlirent. Autre chose en effet était de soutenir dans la majorité d’un concile la bonté de certains canons dont on avait besoin pour se défaire de Chrysostome, autre chose d’attester par sa signature, à la face de la chrétienté, qu’on était de la même communion que les gens qui avaient proscrit Athanase. Ils balbutièrent quelques paroles de consentement, renvoyant à un autre jour le libellé de leur déclaration, et partirent là-dessus. Oncques ne vit l’empereur Arcadius déclaration ni signature d’aucun d’eux.

Tandis que ces choses se passaient soit à l’intérieur du concile, soit au dehors, Chrysostome restait dans son église, vaquant à tous ses devoirs d’évêque, multipliant les instructions aux fidèles et accomplissant avec plus d’exactitude que jamais les cérémonies liturgiques, toujours calme et serein, comme s’il eût ignoré qu’à quelques pas de là on discutait tumultueusement sur son honneur et peut-être sur sa vie. Une seule chose semblait l’affliger, c’est que la haute société de Constantinople avait déserté son église, les femmes surtout, qui craignaient de déplaire à l’impératrice et d’être mal en cour, si elles assistaient à ses prédications. De toutes les tortures imaginées par ses ennemis, celle-ci lui parut la plus dure et la plus injuste d’empêcher les gens d’entendre la parole de Dieu pour blesser le prêtre qui la leur devait, de faire retomber en quelque sorte sur lui la responsabilité du péché des autres. On a dans le recueil de ses discours plusieurs homélies qui peuvent se rapporter à cette époque ; nous en citerons deux dont l’intention ne saurait laisser aucun doute. La première regarde ses persécuteurs en général ; elle est le développement de ces versets du psalmiste : « Les nations m’ont attaqué de toutes parts ; mais au nom et par la puissance du Seigneur je les ai défaites et vaincues. — Elles m’ont tenu assiégé plusieurs fois ; mais au nom et par la puissance du Seigneur elles ont été défaites et vaincues. — Elles m’ont assailli avec violence, comme des abeilles irritées, elles étaient animées d’une ardeur pareille à celle du feu qui brûle dans les épines ; mais au nom et par la puissance du Seigneur je les ai défaites et vaincues. »

La seconde a trait à ces désertions imposées qui lui pesaient tant sur le cœur : elle s’adresse aux femmes du monde, et par elles à l’impératrice. « De même, disait-il, que c’est un plus grand crime de déchirer la robe de l’empereur que de prendre parti pour ses ennemis, et de même encore que ceux qui mettraient en pièces l’empereur lui-même commettraient un crime au-dessus de tous les sup-