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Pour le raffermir dans leur opinion, Sévérien et ses amis lui proposèrent, alors de trancher par lui-même la difficulté en convoquant dans son cabinet dix évêques de chaque côté de l’assemblée, lesquels discuteraient en sa présence. Ils espéraient bien tourner la conférence à leur profit, soit en intimidant leurs adversaires par le voisinage d’une cour hostile, soit en enveloppant dans leurs pièges habituels un prince fort ignorant en théologie, et qui croirait décider lui-même la question. Sur son consentement, le petit concile se réunit au palais. Le parti ennemi de Chrysostome était représenté par Acacius, Antiochus, Cyrinus de Chalcédoine, Sévérien, Léontius, Ammonius et quelques autres ; l’histoire ne nomme parmi ses partisans que l’évêque Tranquillinus, dont le diocèse nous est inconnu, et Elpidius de Laodicée en Syrie. Celui-ci valait à lui seul toute une armée d’athlètes. C’était un vieillard d’un vaste savoir, d’un caractère net et ferme, d’une vie sans tache, et que son placide visage, encadré de longs cheveux blancs, recommandait tout d’abord au respect. Arcadius voulut qu’il parlât le premier. Elpidius se mit donc à dérouler les argumens par lesquels les amis de Chrysostome démontraient que l’archevêque ne tombait point sous l’application des canons d’Antioche, quelle que fût d’ailleurs la validité de ces canons, nulle dans l’opinion d’Elpidius. Il exposa la situation véritable de l’archevêque Jean au point de vue des règles canoniques, comment on ne pouvait pas dire qu’il eût été déposé, comment les nullités accumulées dans la procédure du Chêne réduisaient ce prétendu synode à néant, comment c’était l’empereur qui avait fait enlever l’archevêque de l’église par un de ses officiers, et l’empereur encore qui l’y avait ramené de sa propre autorité et volonté, ce qui faisait que Chrysostome, non déposé canoniquement, non parti ni rentré volontairement, n’avait point cessé d’être évêque aux yeux de la loi ecclésiastique. C’était donc contre tout droit et toute justice qu’on prétendait lui apposer ces canons qui ne le regardaient pas. Pendant que le vieillard parlait, mettant dans sa parole la chaleur de conviction qu’il avait au cœur, Sévérien et les autres l’interrompaient à chaque phrase par des exclamations et des démentis, haussant les épaules, faisant mille contorsions indécentes que ne réprimait pas la présence d’Arcadius, et couvrant même sa voix de leurs rumeurs. Elpidius supporta d’abord cette injure avec calme, puis, impatienté, il finit par dire au prince : « Empereur, nous abusons ici de la bonté et te faisons perdre inutilement ton temps. Daigne ordonner à mes frères de faire silence, car j’ai quelque chose à proposer qui doit nous convenir à tous. Qu’Antiochus et Acacius déclarent ici par écrit qu’ils partagent la foi du concile dont ils approuvent les canons, et je me considérerai comme vaincu. La dispute sera terminée. » Cette proposition, em-