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CHRYSOSTOME ET EUDOXIE.


Constance la convocation d’une réunion d’évêques dans ville d’Antioche à l’occasion d’une dédicace d’église, et sut y entraîner l’empereur lui-même, dont il connaissait mieux que personne les prédilections pour l’arianisme. La réunion fut nombreuse et se constitua en concile : elle renfermait environ quatre-vingt-dix évêques, dont trente-six étaient ariens déclarés, et ceux qui ne l’étaient pas obéissaient aux intrigues d’Eusèbe, secondées par l’autorité de l’empereur. Le but réel du concile, compris par tous, était de porter un dernier coup au patriarche d’Alexandrie en l’empêchant de faire appel aux Occidentaux, et de trouver en Italie l’assistance qu’il y avait déjà rencontrée une fois. Le concile donc, après avoir confirmé la déposition d’Athanase, rendit les canons que nous avons relatés plus haut, lesquels, dans l’opinion d’Eusèbe, devaient intimider les évêques d’Occident, ou créer du moins en Orient une position difficile au patriarche déposé. Pourtant il n’en fut pas ainsi. La cause d’Athanase était si juste, la méchanceté de ses ennemis si manifeste, que ni le pape ni les évêques occidentaux ne s’arrêtèrent à des menaces d’excommunication : non-seulement ils communiquèrent sans hésiter avec Athanase fugitif, mais un premier concile réuni à Rome, puis un second à Sardique, relevant Athanase de sa déposition, condamnèrent les ariens et rescindèrent les actes d’Antioche. Par conséquent les articles de discipline imaginés par les pères de ce concile comme une arme contre Athanase restèrent frappés de nullité dans tout l’Occident, et en effet le pape Innocent, soixante ans plus tard, déclarait publiquement qu’il ne les reconnaissait pas. En Orient même, après la pacification des troubles d’Alexandrie, lorsque l’empereur Constance eut pris sur lui d’y ramener Athanase, les décrets d’Antioche, rendus précisément pour empêcher ce retour, tombèrent en désuétude, et on ne vit que postérieurement les compilateurs des canons disciplinaires y puiser certaines règles bonnes en elles-mêmes et que l’église universelle finit par adopter. Telles étaient les raisons qui firent qu’au concile convoqué pour juger Chrysostome la plupart des évêques ignoraient les canons d’Antioche quand on leur en donna lecture ; elles expliquent aussi comment ces canons purent devenir l’objet de vives dissidences quand tout le monde les eut connus.

À cette nouvelle phase dans laquelle entrait son procès, Chrysostome comprit ce qu’avait de vraiment infernal cette habileté de Théophile, qui se servait de son désir même de se justifier pour lui dénier sa justification. Néanmoins il ne se laissa point abattre. Privé du droit de présenter lui-même sa défense en vertu de la prétendue loi invoquée contre lui, il la fit présenter par ses amis du concile, et nous en retrouvons les points principaux dans les Dialogues de Palladius, notre guide le plus sûr pour les événemens que