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CHRYSOSTOME ET EUDOXIE.


théologiens familiers de la cour, Antiochus, Acacius, Cyrinus, Sévérien ; les Égyptiens de Théophile se tinrent prudemment dans l’ombre pour ne point faire suspecter tout d’abord la proposition, si elle sortait de leur bouche. On se distribua les rôles : Léontius et Ammonius furent chargés de porter la parole devant le concile, et l’un d’eux, probablement Léontius, qui primait son collègue par le rang de son siége et par son importance comme théologien, exposa l’affaire à peu près en ces termes :

« Que sommes-nous venus faire ici, et pourquoi nous a-t-on convoqués ? — Nous sommes venus pour réviser le jugement d’un synode qui a déposé Jean du siége épiscopal de Constantinople, et c’est Jean lui-même qui se pourvoit en nullité devant nous contre la décision de ce synode ; mais pour nous la première chose à examiner est celle-ci : Jean est-il notre justiciable ? A-t-il le droit de demander soit à nous, soit à tout autre tribunal ecclésiastique la réforme du décret qui l’a frappé de déposition ? En un mot, Jean est-il un évêque déposé pouvant demander canoniquement sa réintégration ? — Non, Jean n’est ni évêque, ni prêtre ; en vertu de lois ecclésiastiques formelles, il n’appartient plus même à l’église. » Déployant alors le rouleau de pièces que les Égyptiens avaient apportées d’Alexandrie, l’orateur lut à haute voix deux canons d’un concile tenu dans la ville d’Antioche en 341, sous l’empereur Constance. Voici ce qu’ils contenaient :

4e canon. « Tout évêque déposé de son siége, soit justement, soit injustement, par un concile, et qui prendrait sur lui d’y remonter de sa propre autorité sans avoir fait purger sa condamnation par le même concile ou par un autre, et avoir été rappelé par ses juges à ses fonctions épiscopales, sera excommunié, sans qu’il lui soit permis de se justifier, et quiconque l’assisterait dans son intrusion ou communiquerait avec lui sera comme lui exclu de la communion de l’église. »

Le canon 5e ajoutait : « Si un prêtre ou un évêque mis hors l’église continue à exciter des troubles, qu’il soit réprimé par la puissance extérieure comme un séditieux. »

« Or, ajouta l’orateur en poursuivant son discours, que se passe-t-il dans le cas présent ? Jean a été déposé de son siége par le synode du Chêne ; il l’a repris de sa pure et seule volonté, subrepticement, sans qu’un jugement d’absolution l’y rappelât, et par ce seul fait il s’est mis hors des lois de l’église. Que nous demande-t-il maintenant ? Il nous demande de se justifier des crimes qui ont motivé sa déposition, il veut plaider devant nous son innocence et nous prouver qu’il a été condamné injustement ; mais qu’il l’ait été justement ou injustement, cela ne nous regarde pas. Jean a cessé d’être justiciable d’un tribunal religieux ; Jean n’est plus évêque ni