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CHRYSOSTOME ET EUDOXIE.


vieux usages qui fortifiaient dans l’esprit du peuple le respect dû à la souveraineté ; Théodose lui-même, l’empereur catholique par excellence, exigeait pour ses effigies les honneurs de l’adoration. Ce ne fut qu’après les événemens dont nous allons parler que le petit-fils de cet empereur, fils d’Arcadius et d’Eudoxie, Théodose II, abolit par une loi ce que le rituel de ces fêtes avait de trop contraire au sentiment chrétien. Dans la circonstance présente, le cérémonial s’accomplit avec tous les développemens que l’adulation pouvait imaginer. Pendant plusieurs jours furent célébrées autour de la statue d’Eudoxie des réjouissances publiques auxquelles le peuple se portait en masse : il y avait des danses, des jeux de force ou d’agilité, des représentations de mimes et de bateleurs et des scènes comiques de tout genre. On croit que les fêtes de Cybèle avaient fourni autrefois le programme de ces divertissemens ; or les écrivains latins nous apprennent quels spectacles extravagans ou impurs donnaient à la multitude les prêtres et des servans mutilés de la mère des dieux.

Voilà donc ce qui se déploya et devait se déployer pendant plusieurs jours sur la place du sénat, en face de la basilique. Chrysostome professait pour les spectacles une aversion déclarée, et nul des moralistes chrétiens ne s’était montré plus sévère contre des divertissemens où il voyait des piéges et des inventions du démon. La présence de ces piéges diaboliques s’étalant aux portes du sanctuaire lui parut une insulte préméditée à l’église et à lui-même. Il paraît aussi que les cris des bateleurs, les sons de la musique, les applaudissemens ou les clameurs des assistans, pénétrant par intervalles jusque dans l’intérieur de l’édifice, y venaient troubler ou le chant des psaumes ou les instructions du pasteur à son troupeau. Il se plaignit au préfet de la ville, demandant la répression du scandale. Le préfet, que l’on taxait de manichéisme, mais qui était bien plus sûrement un flatteur d’Eudoxie et un familier de sa cour, reçut assez mal les observations de l’archevêque. « N’était-ce point là l’usage immémorial ? Fallait-il faire pour l’impératrice Eudoxie moins qu’on n’avait fait de tout temps pour tous les césars, et punir l’enthousiasme que les sujets faisaient éclater envers leur souveraine ? Au reste, il en référerait à Augusta. » Telle fut la réponse du préfet, autant qu’on la peut induire du témoignage des historiens et du caractère des faits. Le lendemain de ses remontrances, l’archevêque crut remarquer que, loin de cesser ou d’être moins gênant pour l’église, le bruit n’avait fait que s’accroître avec le scandale ; il y vit une bravade et une provocation non-seulement du préfet, mais du personnage plus élevé qui voulait lui marquer son dédain. Cédant à l’entraînement de la colère, il eut recours à son défenseur et à son juge habituel, le peuple de son église. Du