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sur la mesure la plus utile pour le rétablissement des finances italiennes, ce serait la réforme de l’administration, du système de perception des impôts. Par cette réforme énergique et efficace, le problème serait certainement à moitié résolu.

Ch de Mazade.


ESSAIS ET NOTICES
La Poésie, leçons faites à la Sorbonne pour l’enseignement des jeunes filles, par M. Paul Albert, maître de conférences à l’École normale.


Écrit avec modération et avec goût, cet attachant petit livre offre pour nous un genre d’intérêt particulier. Il donne bien le ton adopté par les professeurs laïques dans cet enseignement des filles, où l’intervention de l’Université souleva de si belles clameurs. On se rappelle peut-être encore cette tempête dans un bénitier. M. Paul Albert a lui-même reçu les éclaboussures de ce courroux sacré. On lui avait découvert un crime assez inattendu ; on lui reprochait, dans une histoire de la littérature, de ne point parler de Voltaire avec assez d’exécration, de lui reconnaître une certaine netteté d’esprit et un véritable talent d’écrire. Pour toute réponse, il a publié les premières leçons faites par lui à la Sorbonne devant un auditoire féminin. Il est difficile d’y trouver autre chose qu’un savoir étendu et sain, une grande justesse d’esprit. M. Paul Albert est parvenu à rendre intéressante une classification méthodique des divers genres de la poésie, classification qui ne laissait pas d’être passablement sèche et compassée dans les anciennes rhétoriques. Il lui a suffi pour cela de faire un usage discret de la critique et de l’histoire. L’épopée, la tragédie, l’ode, la satire, lui ont fourni l’occasion d’un voyage fort agréable à travers les peuples disparus et les religions éteintes. Il étudie les chefs-d’œuvre de tous les âges comme l’expression la plus saisissante de la civilisation dont ils furent contemporains. Il ne se demande pas s’ils sont corrects selon Aristote, et se moque même avec esprit des formules factices, des recettes du beau si fort en crédit il y a quelque cent ans. Ce qu’il cherche à retrouver dans une œuvre d’art, c’est l’âme même de l’artiste, c’est le reflet de l’idéal qu’il poursuivait, ce sont les révélations les plus intimes sur les mœurs de la société où il vécut.

De telles leçons de littérature ne forment pas seulement le goût, elles développent la raison. L’élévation de la pensée, la sûreté du jugement, le tour aisé et la mesure de l’expression se retrouvent dans la plupart des cours organisés en même temps que celui de M. Paul Albert. Comment s’étonner que cet enseignement des filles se développe tous les jours ? Il grandira encore certainement. Il est dans les besoins de notre temps malgré ce que les débuts ont pu avoir de tourmenté. Il a eu deux malheurs : les promoteurs officiels ont fait un peu trop étalage de leurs bonnes intentions, les adversaires beaucoup trop de bruit de leurs pieuses alarmes. Ce ne peut être là que des inconvéniens passagers : la polémique cessera d’elle-même, et les avantages resteront.


ALFRED EBELOT.