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français viennent en aide à ces placemens de valeurs étrangères : obligations russes, obligations de Tunis, obligations mexicaines, emprunt espagnol, on embouche la trompette pour tout, au risque d’attirer quelquefois d’innocens capitaux dans de véritables guêpiers dissimulés sous le voile de gros intérêts. L’Espagne est assurément un pays qui a de l’avenir, qui a des ressources auxquelles il ne manque que d’être régularisées, dont les forces productives sont destinées à se développer. On peut facilement broder sur ce thème ; mais ce qu’il aurait fallu ajouter pour éclairer les capitaux, c’est que depuis sept mois le gouvernement espagnol, pour subvenir aux nécessités les plus pressantes, en est à son second emprunt et a augmenté sa dette d’une valeur nominale de 5 ou 6 milliards de réaux au moins, que même après l’emprunt d’aujourd’hui il reste un déficit de plus de 500 millions de réaux, que sur un budget de 2 milliards la dette absorbe déjà la moitié, 1 milliard d’intérêts. On ne va pas longtemps ainsi. Le résultat le plus clair, un député républicain, M. Pi y Margall l’a dit avec une virile franchise, c’est qu’on arrive périodiquement à un de ces règlemens de comptes, cortès de cuentas, qui se soldent par une perte inévitable sur la valeur des titres. Ce n’est donc pas seulement dans un intérêt politique, c’est encore et surtout dans un intérêt financier que l’Espagne a besoin de retrouver un gouvernement qui s’occupe enfin de fonder sa prospérité sur des bases telles que les opérations espagnoles puissent inspirer une confiance sans mélange.

C’est aussi des finances qu’il s’agit aujourd’hui en Italie. Il y a bien des conspirations qui ont été découvertes à Milan et à Naples ; on parle même aujourd’hui de la possibilité d’une crise ministérielle à Florence. A vrai dire, ces conspirations mazziniennes ont l’air d’être peu redoutables, et s’il y avait une crise à Florence, elle ne tendrait nullement à ébranler le ministère, elle aurait au contraire pour objet et pour résultat de le fortifier par l’accession de certains membres du tiers-parti ou de la fraction des Piémontais dissidens. Le cabinet, ayant toujours pour chef le général Ménabréa, resterait avec sa pensée politique et ses plans financiers, qui viennent d’être exposés par, M. Cambray-Digny dans un discours étendu et substantiel prononcé devant le parlement. M. Cambray-Digny est un ministre sérieux et appliqué qui ne se fait aucune illusion. Ce qu’il y a de grave dans son exposé, c’est que l’auteur n’entrevoit, pas la possibilité de l’extinction du déficit avant 1875. À cette époque seulement, l’équilibre pourra être établi. Les plans de M. Cara-bray-Digny embrassent donc un espace de cinq années. On saisit tout de suite le point vulnérable d’une combinaison qui suppose que rien d’imprévu n’arrivera pendant cinq ans, ou qu’un ministre nouveau ne s’empressera pas de défaire ce que M. Cambray-Digny fait aujourd’hui si laborieusement. Quant aux moyens que propose le ministre italien pour parer aux déficits accumulés pendant ces cinq années et pour arriver à la suppression du cours forcé, ils sont de diverse nature ; mais à coup