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impôts, de maintenir la paix intérieure en éternisant une incertitude qui enflamme les partis et aigrit les opinions. Quant au futur souverain, les Espagnols en sont aujourd’hui à se consoler de leur mésaventure auprès du roi dom Fernando en se remettant à la recherche de toute sorte de candidats ; ils font un voyage d’exploration monarchique en Europe ; ils tournent leurs regards vers l’Italie, vers l’Autriche ; même vers la Prusse, où il y a bien toujours quelque prince de Hohenzollern, et comme les membres du gouvernement de Madrid, se modelant en cela sur le général Prim, ont pris depuis quelque temps l’habitude de parler par énigmes, un ministre déclarait l’autre jour qu’on connaîtrait le nom du roi plutôt qu’on ne le pensait ; mais quel roi ? Les Espagnols ont pourtant à y prendre garde. S’ils veulent la république, il faut la proclamer ; Garibaldi, qui est un bon juge en matière de sagesse politique et qui a été consulté par un démocrate de Madrid, tient la main à son chapeau pour la saluer dès qu’elle paraîtra, ainsi qu’il l’affirme dans une encyclique datée de Caprera. Si l’on veut un roi, il faut finir par se décider avant de lui faire une situation qui deviendra bientôt tout à fait impossible. Quant à la constitution, les cortès sont occupées à la discuter ; elles en sont arrivées à l’article qui concerne la religion, et on peut voir une fois de plus ici ce que deviennent les plus beaux programmes quand ils ne répondent pas à l’intime pensée d’un pays. Au commencement de la révolution, on ne parlait que de liberté religieuse, de la séparation de l’église et de l’état ; il semblait que l’Espagne allait donner à l’Europe attentive le signal de cette grande réforme. La question vient d’être agitée en effet, les cortès se sont transformées un instant en concile. L’archevêque de Santiago, l’évêque de Jaen, le chanoine Manterola, ont soutenu naturellement l’unité religieuse ; M. Castelar a été le théoricien enthousiaste et passionné de la liberté, il a charmé son auditoire sans convaincre personne. Au fond, la commission constitutionnelle a proposé modestement quelque chose comme la tolérance des cultes, et encore on pourrait croire que c’est une concession libérale pour ne point paraître revenir simplement à ce qui existait. L’essentiel pour l’Espagne ne serait pas d’aller trop vite dans la voie des innovations, ce serait d’assurer contre toute réaction les libertés modérées, pratiques, qu’elle inscrit dans ses lois.

Quant aux finances enfin, c’est là certainement le point le plus grave, et il est difficile de savoir comment l’Espagne arrivera à débrouiller le chaos où elle se plonge. Elle vient de contracter un nouvel emprunt de 250 millions de francs auquel on a donné un retentissement inusité. L’emprunt espagnol a réussi ou n’a point réussi, nous ne le recherchons pas : nous souhaitons beaucoup de succès à M. le ministre des finances de Madrid, qui a fort à faire en ce moment pour tenir tête à une crise dont les anciens gouvernemens sont du reste en partie responsables ; mais ce qui est étrange, c’est la facilité avec laquelle certains journaux