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Prusse n’est point au bout des difficultés de l’œuvre immense qu’elle a entreprise, et que M. de Bismarck, avec son audace et son habileté, n’est pas toujours sur des roses.

L’Autriche elle-même d’ailleurs n’est pas non plus précisément sur des roses. Elle a beaucoup fait sans doute pour se réorganiser, pour se remettre de sa terrible secousse de 1866 ; il s’en faut cependant que cette œuvre, si hardiment commencée par M. de Beust et poursuivie avec une patiente ténacité, soit aussi avancée qu’on pourrait croire. En Hongrie même, les élections récentes, quoique très favorables au gouvernement et au parti Deak, n’ont pas laissé de rendre une certaine force à l’opposition extrême qui voudrait pousser jusqu’au bout l’émancipation hongroise, ou du moins ne conserver que ce qu’on appelle simplement l’union personnelle. Le parlement de Pesth, que l’empereur François-Joseph vient d’ouvrir par un discours libéral et viril, ce parlement peut avoir une session agitée, tourmentée. Il y a seulement une chance contre tous les dangers. L’accroissement même de l’opposition est fait pour rallier en bataillon compacte autour du gouvernement tous ceux qui l’ont aidé, soutenu jusqu’ici, et les Hongrois, l’une des races les plus politiques, comprendront vite qu’ils ont reconquis assez de garanties, qu’ils ont devant eux un assez vaste programme de réformes pour ne pas tout compromettre dans de vaines et stériles disputes, pour ne pas rompre avec une politique qui leur a rendu la liberté dans une indépendance presque complète. L’œuvre de la réconciliation de la Hongrie ne peut donc être sérieusement compromise ; mais, il faut bien le dire, l’Autriche est beaucoup moins avancée dans ses relations avec les autres nationalités qui composent l’empire, avec les Tchèques, avec les Polonais. En ce moment même, les Polonais de la Galicie, après avoir longtemps attendu, après s’être prêtés à toutes les transactions, menacent de suivre les Bohèmes dans leur retraite et dans une abstention complète. C’est la lutte de l’esprit centraliste, qui se défend à Vienne, et des autonomies nationales, qui se retranchent à Cracovie et à Prague. Le plus grand danger de ces luttes, de ces troubles intérieurs, c’est qu’ils pèsent sur la politique de l’Autriche en retardant le rétablissement de ses forces et en l’immobilisant jusqu’à un certain point à l’heure où elle serait la première intéressée à garder la liberté de ses résolutions et de son action.

Ce n’est vraiment pas facile pour un pays de se relever d’une de ces crises qui s’appellent une guerre malheureuse ou une révolution. L’Espagne en est là. Son malheur, ce n’est pas d’avoir fait, il y a sept mois, une révolution, provoquée par tous les excès de pouvoir ; c’est de n’en savoir plus que faire aujourd’hui et d’avoir laissé accumuler des difficultés devant lesquelles elle s’arrête indécise et impuissante. L’Espagne s’est imposé le problème multiple et périlleux de trouver un roi, de se donner une constitution nouvelle, qui ne sera que la sixième ou la septième dans son histoire, de rétablir ses finances en abolissant des