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Une base de délibération a été trouvée pour la commission mixte qui va être nommée. On étudierait, à ce qu’il paraît, le moyen de remplacer les conventions d’où est née cette petite tempête par une combinaison nouvelle qui maintiendrait le droit de propriété du gouvernement belge sur ses chemins de fer ; et assurerait l’exploitation aux compagnies françaises. Nous ne disons pas que la commission mixte, à laquelle un récent protocole vient de donner une existence officielle, n’aura aucune peine à tout arranger, à tout concilier ; on n’est peut-être pas au bout des difficultés, la question est du moins débarrassée de sa gravité première, puisque le débat n’existe plus entre le gouvernement belge, armé de la loi prohibitive qu’il avait demandée au parlement, et le gouvernement français, maintenant dans toute leur force les conventions primitivement négociées par la compagnie française de l’Est avec les compagnies belges. En un mot, c’est une question d’affaires qui va être traitée entre hommes spéciaux, et qui ne risquerait de se compliquer encore une fois que si des susceptibilités nouvelles ou des accidens nouveaux venaient à se produire. M. le marquis de La Valette s’était fait, dit-on, un point d’honneur de ne pas laisser la paix trébucher sur ce médiocre incident, et le succès de ses efforts jusqu’ici est sans doute le gage d’une solution favorable et définitive.

Tout ce qui pourrait venir du côté de la Belgique au reste ne serait qu’un prétexte. La difficulté essentielle n’est pas là ; elle est dans la situation européenne, dans le travail obstiné de tous les antagonismes développés par les événemens, dans les rapports de la France et de la Prusse, de la Prusse et de l’Autriche, de l’Autriche et de l’Italie. Sur tous ces points qui restent assez noirs pour l’avenir, nous en convenons, il y a une éclaircie en ce moment. Depuis quelques jours, on a cessé un peu de se menacer, de se défier ; on ne parle plus que par habitude des alliances qui se nouent, des campagnes qui se préparent. La guerre, qu’on attendait presque comme une fatalité, a fait place à des élections un peu partout, élections en Hongrie, élections en Roumanie, où le ministre nouveau a triomphé tout comme M. Bratiano avait triomphé avant lui, élections dans quelques semaines en France. Chacun est à son œuvre intérieure, et le moins embarrassé à coup sûr n’est pas M. de Bismarck, qui, à défaut d’élections dont il ne se troublerait guère, a sur les bras la rude besogne de la reconstitution de l’Allemagne, et en est sans cesse à se démener au milieu de toutes les influences. S’il s’arrête dans sa marche, s’il n’ajoute pas chaque jour une maille à ce réseau qui doit envelopper tous les états germaniques, il voit aussitôt se tourner contre lui les unitaires, les nationaux, tous ceux qui veulent qu’on aille par le plus court chemin à la fusion complète de l’Allemagne. S’il fait un pas, il réveille les susceptibilités, il trouve devant lui des sentimens d’indépendance locale demeurés toujours vivans dans le sud et même dans certaines parties du nord, sans compter qu’il est bien obligé de tourner