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politique et commerciale, laissez-nous voter les impôts que nous payons, acheter à notre gré les denrées que nous consommons, vendre à notre gré les objets que nous produisons, et nous nous chargerons d’affranchir nos esclaves. Laissez-nous faire nos propres affaires. Cuba farà da se ! » Si l’Espagne est insensible à cette voix de ses enfans d’outre-mer, ne sera-t-elle pas plus attentive à une autre voix qui s’élève à petite distance des côtes des Antilles ? Cette voix répète aux habitans de Cuba : « L’abolition de l’esclavage et les institutions libres que l’Espagne vous refuse, la grande nation des États-Unis vous les offre. »

Il y a longtemps que cette parole a été prononcée pour la première fois, et tous les jours elle gagne du terrain. « J’avoue, disait Jefferson en 1823, avoir été toujours d’avis que Cuba serait l’addition la plus intéressante qui pourrait se faire à notre système d’états. » En 1827, Bolivar avait formé le projet d’affranchir les Antilles espagnoles avec le concours du Mexique, et les troupes étaient en marche quand un soulèvement du Pérou les força de revenir sur leurs pas. On assure que, sous le président Polk, il fut question à Washington et à Madrid d’une cession de Cuba au prix de 500 millions ; l’Angleterre fit avorter ce projet. En 1852, la France et l’Angleterre essayèrent de former avec les États-Unis une convention qui garantirait à l’Espagne ses possessions des Antilles ; mais, par une dépêche du 1er décembre 1852, M. Everett, alors secrétaire d’état du président Fillmore, repoussa ce projet de garantie commune, regardant « la question de la condition de ces îles comme purement américaine, et refusant de s’engager dans l’entrave des alliances, entrangling alliances, et de renoncer pour les États-Unis à une acquisition future qui est dans l’ordre naturel des choses. » C’est en 1854, le 18 octobre, qu’eut lieu à Ostende la conférence bien connue entre les trois ambassadeurs des États-Unis à Londres, à Paris et à Madrid, MM. Buchanan, Mason et Soulé, pour se concerter sur les moyens d’obtenir la cession de Cuba. Le plan entier des combinaisons de ces trois diplomates fut exposé dans une dépêche au président Pierce qui a été publiée, et c’est l’année suivante qu’avait lieu l’expédition avortée du général Lopez. Enfin, dans le message de 1859, M. Buchanan, devenu président, écrivait ces paroles effrontées : « Nos prédécesseurs ont fait savoir au monde que les États-Unis ont à plusieurs reprises tenté d’acquérir Cuba de l’Espagne au moyen d’une négociation honorable. Le pussions-nous, nous ne voudrions pas acquérir Cuba d’aucune autre manière… C’est là conduite que nous tiendrons toujours, à moins qu’il ne se présente des circonstances qui nous autorisent clairement à nous en départir… »

Le gouvernement espagnol n’a pas cessé de protester qu’il