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La Colombie britannique est une jeune colonie dont l’avenir est plus brillant que la situation présente. On y compte environ 15,000 colons de race blanche, sans parler d’un nombre très variable et probablement plus considérable de mineurs aux habitudes migratoires, Américains et Chinois, qui arrivent ou repartent suivant que les terrains aurifères ont la réputation de devenir plus féconds ou de s’appauvrir. Outre l’or auquel elle doit sa prospérité naissante, la contrée fournit du charbon de terre, qu’elle envoie en Californie, et de très beaux bois de construction, qu’elle exporte jusqu’en Chine. La terre se montre éminemment propre à la culture des céréales. Le commerce des pelleteries n’est pas négligé. Le port de Victoria, qui est le seul sur la côte de l’Amérique, du cap Horn au détroit de Behring, où les navires de tout pays soient affranchis des droits de douane, est aussi l’un des mieux abrités du Pacifique du nord et acquiert d’année en année une plus grande importance. Les habitans de cette ville sont convaincus qu’elle deviendra plus tard l’entrepôt des marchandises européennes destinées à la zone septentrionale du continent et le débouché naturel des productions que cette même région enverra en Chine aussi bien que dans l’Amérique du Sud ; mais ils veulent plus encore. Ils ont déjà tracé sur la carte le chemin de fer que toutes les colonies du monde entrevoient dans leurs rêves d’avenir. A l’instar des citoyens de l’Union, qui viennent d’achever entre le Pacifique et la vallée du Missouri le premier chemin de fer transcontinental, les colons de la Colombie britannique prétendent ouvrir une voie de communication rapide entre le golfe de Géorgie et le fort Garry à travers les immenses steppes et les interminables massifs de montagnes qui séparent ces deux points extrêmes. Du fort Garry aux établissemens canadiens du Lac-Supérieur ou bien aux villes fédérales du Minnesota, il n’y a plus que 4 ou 500 kilomètres, que les pionniers américains auront bientôt franchis. Par malheur pour les habitans de la Colombie britannique, les gens désintéressés dans la question se laissent difficilement persuader que ce chemin de fer soit d’une exécution prochaine. Ils objectent que la contrée intermédiaire est à peu près déserte, qu’elle n’appartient du moins qu’à des tribus sauvages, et que la constitution topographique du pays offre des obstacles sérieux. A défaut d’un chemin de fer, on voudrait au moins une route moitié terrestre, moitié fluviale par les vallées de l’Assiniboine et du Saskatchewan ; mais il y a encore des objections : la sévérité du climat dépasse en hiver le degré de froid que des hommes de notre race ont l’habitude de supporter, les rivières sont torrentueuses, le cours en est irrégulier, et elles sont souvent encaissées dans d’étroits défilés (canons) où les eaux jaillissent de cascade en cascade.