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remise solennelle aux agens du gouvernement fédéral eut lieu quelques mois après. Le commandant du district militaire de l’Orégon se rendit à cet effet à Sitka, accompagné de deux ou trois cents soldats, d’une batterie de canons et, ce qui était plus utile, d’un assez grand nombre de négocians et d’ouvriers californiens, disposés à mettre tout de suite en valeur les ressources de ce nouveau domaine, La contrée changeait en même temps de dénomination ; elle est désignée depuis lors dans les actes officiels sous le titre de territoire d’Aliaska, du nom de la longue presqu’île qui en est le prolongement occidental. Il convient d’ajouter que le peuple des États-Unis n’accepta pas sans quelque hésitation le champ d’aventure dont ce traité lui donnait l’accès. On se moqua bien un peu de cette acquisition, que l’on ne connaissait en général que comme une terre de glace et de volcans, habitée par des ours blancs et par des phoques. Les partisans de l’annexion prétendirent qu’Aliaska était un éden, les adversaires répliquèrent que c’était un lieu inhabitable. Ces derniers avaient sans doute tort, puisque l’on annonça bientôt qu’une compagnie offrait de reprendre l’objet du marché avec une surenchère de 3 millions de dollars ; l’on prétendit même que le gouvernement des États-Unis, mis en goût de ce genre d’affaires, était en pourparlers avec le Danemark pour acheter le Groenland à des conditions analogues.


II

A peine entrés en possession de l’Amérique russe, les Yankees²songèrent à en tirer un meilleur parti que ne l’avaient fait leurs prédécesseurs. L’idée d’abandonner à une compagnie de marchands le monopole du commerce, comme les Russes l’avaient fait, et comme les Anglais en avaient donné l’exemple en pareil cas, était antipathique aux habitudes américaines : tous les hommes de bonne volonté devaient être libres de s’établir, de commercer, de travailler à leur gré sur un territoire appartenant à la confédération. Le cabinet de Washington avait négocié le traité de cession bien moins pour faire rentrer dans l’Union une partie du continent que parce qu’il était fermement convaincu de la supériorité des efforts individuels en matière de colonisation. Telle contrée qui reste à peu près stérile entre les mains de possesseurs privilégiés devient fertile, disait-on, lorsqu’elle est ouverte aux actives compétitions d’une immigration libre. Pour assurer le succès de cette politique libérale, pour attirer promptement les colons, il était indispensable que les ressources du nouveau territoire fussent d’abord bien étudiées. A cet effet, en se mit à rechercher dans les récits de voyages,