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l’empereur et l’impératrice d’Autriche. Je compte y rester encore quelques jours. Toute mon armée est sur la Vistule. Les hostilités ne sont pas encore commencées. Venant d’apprendre que les vaisseaux anglais sont devant Savone, je pense qu’il est nécessaire de mettre le pape en sûreté. En conséquence, vous chargerez le préfet et le commandant de la gendarmerie de faire partir le pape avec ses gens, dans deux, bonnes voitures. Le pape aura son médecin dans sa voiture. Les précautions seront prises pour qu’il traverse Turin de nuit, qu’il ne s’arrête, qu’au Mont-Cenis, qu’il traverse Chambéry et Lyon de nuit, et qu’il soit ainsi conduit à Fontainebleau, où les ordres sont donnés pour le recevoir. Je m’en rapporte à votre prudence et à celle du commandant de la gendarmerie. Ayez soin que la voiture du pape soit bonne, et que toutes les précautions convenables soient prises. Il ne faut pas que le pape voyage en habits pontificaux, mais seulement en habits ecclésiastiques, et de manière que. nulle part, excepté au Mont-Cenis, il ne puisse être reconnu. A moins d’événemens, cette mesure n’est pas tellement urgente que vous né puissiez envoyer chercher le préfet de Montenotte pour concerter d’avance avec lui ce départ. Vous transmettrez la lettre ci-jointe au duc de Lodi. Je lui écris qu’il vous envoie à Turin l’archevêque d’Édesse. Lorsque cet évêque sera arrivé à Turin, vous lui ferez connaître de ma part que vous avez une mission à lui confier, et, aussitôt que vous aurez appris que le pape sera à une poste au-delà de Turin, vous l’enverrez le rejoindre. Il se placera dans la voiture du pape et l’accompagnera pendant le reste de la route. Vous ferez connaître, à ce prélat que la situation des affaires en Europe et la présence des Anglais devant Savone rendaient le séjour du pape dangereux dans cette ville, qu’il faut qu’il soit placé dans le centre de l’empire, qu’il sera reçu à Fontainebleau par les évêques de la députation, qu’il y occupera le logement qu’il y a déjà habité, qu’il y verra les cardinaux qui sont en France, etc. Vous correspondrez pour l’exécution de ces mesures avec le ministre de la police. Je désire que le plus grand secret soit gardé[1]. »


L’empereur confiait-il en cette occasion au prince Borghèse ses véritables projets, et la crainte sérieuse d’une descente des Anglais à Savone était-elle bien le motif déterminant de la translation du pape à Fontainebleau ? Nous ne le croyons pas. C’est en vain qu’à Londres nous avons cherché au foreign office et dans les archives de l’amirauté la moindre trace du projet que Napoléon prête à plusieurs reprises au gouvernement anglais d’avoir songé à s’emparer de fie "VII pour le transporter soit en Sicile, soit en Espagne. Si les Anglais avaient alors formé un pareil dessein, il est difficile

  1. Lettre de l’empereur au prince Borghèse, gouverneur-général des départemens au-delà, des Alpes, Dresde, 21 mars 1812. — Correspondance de Napoléon Ier, t. XXIII, p. 417.