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d’y accéder sans se rendre responsable aux yeux de toute l’église des maux effroyables qui seront infailliblement la suite de son refus[1]. »

Cette démarche comminatoire des évêques n’eut point le don d’ébranler ni d’irriter Pie VII. Depuis qu’il avait pris une résolution, le calme était à peu près rentré dans son esprit, et, comme cela était naturel chez lui, c’était la douceur qui débordait. Il ne se refusa point à recevoir individuellement chacun des évêques, à « discuter bonnement avec eux » (ce sont les expressions de M. de Barral) les motifs de sa décision. « Mon tour est venu le premier, raconte l’archevêque de Tours ; la conférence a duré près d’une heure et a été fort affectueuse, — quoique très serrée de mon côté, ajoute vite l’archevêque, qui a grand’peur évidemment qu’on ne le soupçonne d’avoir faibli, car, le pape me parlant d’un projet qu’il avait d’écrire encore à l’empereur, je l’ai constamment ramené au consentement à donner avant tout à l’universalité de la nomination comme au point fondamental. Plusieurs fois il a paru vivement touché ; mais il doit persévérer dans le refus tant qu’il sera, dit-il, dans son état de réclusion, et sans être entouré d’un conseil plus nombreux. Il croit que son honneur exige qu’un acte aussi important que cette cession n’ait pas l’air de la contrainte. Il proteste sans cesse de son désir de condescendre à la demande et même aux demandes de sa majesté, qu’il n’a aucune intention de tromper, ce que la suite prouvera bien… D’après ce qu’auront produit les conférences de mes collègues avec sa sainteté, nous enverrons ou nous n’enverrons pas une lettre au pape que l’on transcrit en ce moment. C’est la dernière pièce de notre arsenal[2]. »

Tandis que les évêques députés mettaient ainsi en batterie ce qu’ils appelaient « la dernière pièce de leur arsenal, » il n’était pas possible que le préfet de Montenotte consentît à demeurer inactif. Lui aussi, il ambitionnait l’honneur d’enlever de haute lutte la concession que l’empereur désirait si vivement arracher au saint-père, et, comme eux, il avait résolu de ne plus ménager les termes. La députation avait, envoyé la veille au saint-père cette lettre d’adieu dont M. de Barral parlait tout à l’heure. Pie VII ne l’avait pas lue sans émotion, il avait annoncé l’intention de la relire une seconde fois le lendemain matin.


« Je me suis rendu chez lui, écrit M. de Chabrol, désirant en connaître l’effet. J’ai profité de l’occasion et fait comme une dernière tentative pour ébranler le pontife. Je lui ai dit qu’il était seul contre son

  1. Note remise à sa sainteté, le 7 janvier 1812, par les évêques députés à Savone.
  2. Lettre de l’archevêque de Tours au ministre des cultes, 13 janvier 1812.