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était venu pour lui de s’armer encore une fois de patience. Ceux qui avaient fait parvenir sous main ces conseils, s’ils s’étaient un instant flattés d’ébranler le souverain pontife, méconnaissaient complètement son caractère. — Pie VII était naturellement confiant, humble de cœur, porté à l’hésitation par les scrupules de sa conscience, irrésolu, si l’on veut, mais nullement faible. Il avait horreur de la mauvaise foi, et l’idée d’être pris pour dupe lui était insupportable. Le jour où il apercevait clairement qu’on se proposait d’abuser de sa candeur, il était capable de se montrer tout à coup inflexible. Ce fut sous ce jour inattendu pour eux qu’il apparut le 13 décembre aux évêques de la députation. « L’audience n’a pas été favorable, écrit M. de Chabrol le 14 décembre. Le pape s’est animé. Il est entré dans quelques-uns de ces mouvemens auxquels il se livrait avant qu’il fût question d’un arrangement. La députation n’a rien épargné pour faire sentir au pontife sa position. Chacun de ses membres a parlé alternativement et fort bien, à ce qu’il paraît ; mais le pape ne s’est pas entièrement apaisé[1]. »

Cette sorte de rébellion étonna tellement le préfet de Montenotte qu’il ne crut pas d’abord qu’elle pût se prolonger longtemps. Il se figura même qu’avec un peu de patience et d’adresse, en employant les moyens détournés d’influence qu’il s’était habilement procurés, il aplanirait assez aisément toutes choses. « En apprenant que le pape n’avait pas parlé avec calme de sa conscience, qu’il n’avait d’ailleurs pris aucun parti irrévocable, et qu’il avait seulement laissé paraître beaucoup d’émotion, je n’ai pas cru qu’il fallait renoncer à toute espérance de succès. L’état des affaires laisse entrevoir une négociation dans laquelle le pape se débattra entre ses inquiétudes habituelles et les idées de convenance et de nécessité qui lui seront suggérées. On peut croire qu’il finira par proposer quelque chose qui se rapprochera de ce qui lui est demandé. Il se range ainsi dans la classe des débiteurs qui s’acquittent lentement[2]. » Le préfet de Montenotte, d’abord trop confiant dans les donneurs de renseignemens qu’il s’était ménagés auprès de la personne du pape, ne devait pas se méprendre longtemps sur les véritables dispositions de son prisonnier. Dès le 15 décembre, il avait vu l’archevêque d’Édesse, et, remis sur la voie de la vérité par ce confident intime du saint-père, il rectifiait ses premiers pronostics.

« J’ai trouvé M. Bertalozzi singulièrement affecté. Il m’a laissé entrevoir, mais avec réserve, suivant son usage, qu’il ne voyait pour le moment aucune espérance… J’ai remontée la source, et il en est résulté

  1. M. le comte de Chabrol à M. Bigot de Préameneu, ministre des cultes, 14 décembre 1811.
  2. Ibid.