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majesté que de croire qu’elle laisse les cardinaux noirs aller auprès du pape. S’il voulait prendre pour conseils les ennemis de l’empereur, ceux-là mêmes qui par leurs perfides insinuations l’ont déjà conduit au point où il se trouve, il n’y aurait rien à espérer. Vous pouvez être certain que l’empereur ne cédera rien sur aucun autre article que celui-là ne soit terminé. Il vous est facile de comprendre que dans ces circonstances il y a impossibilité que l’empereur réponde à la lettre du pape. Discourir avec lui sur des questions de discipline ecclésiastique, ou lui faire des reproches sur les obstacles qu’il met à la conciliation, ce serait au moins inutile. Il attend donc que le décret du concile ait été approuvé purement et simplement pour croire qu’un premier pas ait été fait vers la conciliation[1]. »


Ainsi Napoléon ne voulait plus entendre parler de ce même bref contre lequel ses propres négociateurs n’avaient soulevé que des objections de pure forme, bien vite admises par Pie VII. Quel surprenant coup de théâtre ! Tandis que les cardinaux et les évêques, dans leurs lettres au ministre des cultes, exprimaient modestement l’espoir qu’en récompense de leur zèle couronné de succès l’empereur voudrait bien accorder un peu plus de liberté au saint-père, tandis qu’ils prenaient soin d’expliquer timidement que les angoisses trop évidentes auxquelles depuis quelques jours le souverain pontife semblait en proie provenaient surtout de la douloureuse surprise qu’il éprouvait de ne recevoir ni réponse à ses missives affectueuses, ni promesses rassurantes pour l’église, ce même ministre était chargé de leur faire savoir, dans un langage plein de sévérité et de rudesse, que leur maître n’était point du tout satisfait de leurs services, qu’il n’acceptait aucun de leurs avis, qu’il ne songeait nullement à écrire au saint-père, qu’il ne voulait point de son bref, et qu’il leur fallait, comme si rien ne s’était passé, tenter de nouveaux efforts pour en obtenir un tout différent. Peut-on s’imaginer un désappointement plus cruel ? N’importe ! Malgré le peu d’espoir qu’il leur était permis de conserver encore, les prélats, rompus à la plus parfaite obéissance, reprirent incontinent leur ingrate besogne. Le 13 décembre, ils étaient admis à l’audience pontificale. Tout d’abord ils purent lire sur la physionomie de Pie VII, d’ordinaire si sereine et si aimable, qu’il était à l’avance prévenu du but de leur démarche, et que son âme, toute douce qu’elle fût, en ressentait l’affront. Le pape avait en effet appris par le canal de M. Bertalozzi et du docteur Porta, les confidens ordinaires du préfet de Montenotte, qu’il était arrivé de fâcheuses nouvelles de Paris, et que le moment

  1. Note pour les évêques députés à Savone, dictée par l’empereur au ministre des cultes, 3 décembre 1811. — Cette note n’est pas insérée dans la Correspondance de Napoléon Ier.