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peu à ce qui le regardait personnellement, et que pour le pouvoir temporel il y renonçait entièrement ; mais qu’en regardant derrière lui, il était effrayé de tout ce qu’il avait accordé sans suivre les formes… » Ces timidités de conscience de Pie VII paraissaient aussi singulières qu’irritantes au préfet de Montenotte. Il ne désespérait pas toutefois d’en triompher. « J’espère, disait-il en terminant, que de nouvelles réflexions amèneront le pape plus loin ; mais le temps s’écoule et la patience peut se lasser. Lorsque je le verrai, ce qui aura lieu prochainement, j’insisterai plus fortement que jamais, et je parlerai très ouvertement contre les ménagemens que pourrait avoir le conseil pour son opinion. J’y suis d’autant plus autorisé que M. Bertalozzi m’annonce que je puis rendre des visites plus fréquentes, et qu’elles sont vues avec plaisir. Je pense que l’intention de ce brave homme, qui met de la droiture dans sa conduite, est que le pape voie par ce moyen dans tout son jour le véritable tableau de sa position. C’est ce que ma situation indépendante me met à même de faire plus souvent que tout autre[1]. »

Quels que fussent les efforts tentés par M. de Chabrol avec cette autorité qui résultait, suivant lui, de sa situation indépendante, ses progrès sur l’esprit du saint-père ne furent point considérables. « Le pape répète toujours, soit à nous, soit aux cardinaux, écrit M. de Barral à M. Bigot de Préameneu le 8 novembre 1811, qu’avec ses conseils et sa liberté tout pourrait se faire décemment, mais qu’en faisant plus qu’il n’avait fait jusqu’à présent, il déshonorerait aux yeux de la catholicité son propre caractère. » La négociation ne faisait pas le moindre progrès. Afin de triompher des scrupules du saint-père, les évêques députés, naguère si unanimes pour expliquer longuement au ministre des cultes combien il était à la fois cruel et inopportun de trop presser le pape sur ce chapitre des évêchés romains, se trouvèrent également d’accord pour démontrer pertinemment, par un message officiel aux cardinaux servant de conseillers à Pie VII, que sa sainteté n’avait aucune solide raison de se refuser à la concession demandée. Leur langage fut même dans cette occasion empreint de cette ardeur animée et chaleureuse qui n’accompagne d’ordinaire que les plus profondes convictions. « Est-il besoin de conseils, s’écriaient l’archevêque de Tours et les évêques de Plaisance, de Trêves et de Nantes, est-il besoin de conseils quand la nécessité parle ? Délibère-t-on quand on voit que tout est perdu si l’on n’agit pas sur-le-champ ? Or telle est évidemment la situation où se trouvent l’église de France, le saint-siège, l’église universelle, qu’il faut s’attendre aux plus grands maux, si l’accommodement proposé par l’empereur est différé. Nous ne parlerons pas

  1. Lettre de M. de Chabrol au ministre des cultes, 5 novembre 1811.