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quelque sorte comme parties intéressées dans cette affaire, et les seuls cardinaux comme son conseil. Par ce motif, nous nous informâmes de très bonne heure auprès d’eux si le pape connaissait toute l’étendue que donnait le gouvernement au décret dont nous lui demandions la confirmation. Plusieurs des cardinaux et l’archevêque d’Édesse nous ont répondu maintes et maintes fois d’une manière affirmative, et nous avons à cet égard un témoin irrécusable dans la personne du préfet de Montenotte, à qui les cardinaux dirent dans le temps la même chose qu’à nous. Un seul nous laissa dans le doute sur ce qu’il avait dit personnellement au pape, mais en nous avouant toutefois qu’il croyait le pape bien informé sur le point dont il s’agit par ses collègues… Ce matin, nous avons rappelé aux cardinaux nos conversations à ce sujet. Ils en sont tous tombés d’accord, et nous ont répété que le pape avait connu d’avance et par une note l’étendue du sens que le gouvernement donnait au décret du concile, ce qui montre qu’il ne peut rester à cet égard le moindre doute, et ce fait a maintenant pour votre excellence autant de certitude que pourrait lui en donner le procès-verbal le plus régulier[1]. »


C’était déjà beaucoup pour les évêques députés à Savone de hasarder ainsi quelques timides représentations contre la démarche dont ils étaient chargés. Aucun d’eux ne songea, fût-ce un instant, à se dérober à l’accomplissement d’une commission qu’ils jugeaient aussi fâcheuse en elle-même qu’elle leur était personnellement désagréable. Ils se rendirent donc chez le pape le 17 octobre, et, non sans quelque embarras, lui firent la déclaration prescrite. « Sur quoi, dit M. de Barral, le pape est convenu avec nous qu’il avait connaissance du sens étendu que sa majesté attachait aux articles arrêtés dans la congrégation générale du 5 août ; mais en approuvant ces articles il avait conservé l’espoir que sa majesté consentirait à lui laisser la nomination des évêchés dans les états romains, moyennant certaines clauses ou arrangemens qu’il proposerait. Le pape ne nous a pas dissimulé qu’une renonciation à ces nominations lui coûterait d’autant plus qu’elle semblerait renfermer une renonciation à la souveraineté de Rome, renonciation que sa majesté n’exigeait pas de lui, et qu’il ne croyait, pas pouvoir faire à raison du serment qu’il a prêté[2]. » Au reste, dans cette entrevue, les prélats ne pressèrent point Pie VII pour qu’il leur donnât une réponse immédiate ; ils insistèrent au contraire beaucoup pour qu’il hâtât l’expédition des bulles aux évêques nommés par l’empereur, ce à quoi le saint-père se prêta volontiers.

  1. Lettre au ministre des cultes, M. Bigot de Préameneu, signée par l’archevêque de Tours, l’évêque de Trêves et l’évêque de Nantes, 16 octobre 1811.
  2. L’archevêque de Tours au ministre des cultes, 18 octobre 1811.