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serait inopportune. Non content d’écrire en son propre et privé nom, il fit signer à ses collègues de la députation, les évêques de Trêves et de Nantes, une lettre collective adressée au ministre des cultes et qui reproduisait toutes ses objections. Ces prélats partageaient, on s’en souvient, avec l’archevêque de Malines l’honneur de posséder la confiance de Napoléon ; mais l’abbé de Pradt, qui mourait d’ennui à Savone, en était déjà parti en toute hâte pour retourner à Paris. Grâce à cette absence, il n’y avait plus un seul des membres de la députation qui ne jugeât aussi impolitique que mal fondée la nouvelle exigence impériale.


« La demande si précise de son excellence, écrivent les trois prélats au ministre des cultes le 16 octobre 1811, suppose que nous aurions été chargés par nos instructions de notifier au pape que ce décret s’applique à tous les évêchés de l’empire, dont les états de Rome font partie. Or nous le prions d’observer que nos instructions ne portent rien de semblable… Nous allons au surplus lui dire nettement quel est le principal motif qui nous a confirmés dans l’idée que nous ne devions pas faire au pape des notifications plus étendues que celles dont il vient d’être parlé. Votre excellence n’aura pas oublié sans doute que, peu de jours avant notre départ de Paris, sa majesté daigna discourir avec nous sur l’extension dont étaient susceptibles les clauses du décret, ainsi que celles des concordats eux-mêmes. Sa majesté nous expliqua avec bonté, mais avec beaucoup de fermeté, que son avis et celui de tout son conseil étaient que les concordats s’appliquaient à toutes les possessions présentes ou futures de la puissance qui transigeait avec le pape. Si quelques rois de France ou d’autres pays avaient passé des concordats conditionnels à raison de leurs conquêtes nouvelles, lui, empereur, ne se croyait pas tenu à suivre cet exemple. Quand le pape aurait purement, simplement et sans réserve approuvé le décret du concile, il saurait bien le faire valoir dans toute son étendue dès que le temps serait venu d’en exécuter telle ou telle partie. Son excellence peut aussi se souvenir qu’un de nous essaya de faire entendre à sa majesté que la nomination des évêques des états romains ne devait pas être assujettie aux mêmes règles que celles des autres, puisque de toute ancienneté les papes y avaient nommé de plein droit, même avant de posséder l’ombre d’une souveraineté ; mais l’empereur ne permit pas de développer cette pensée, et il fallut bien alors se taire… De sorte que ce fut notre respect pour le plan de conduite que nous avions entendu de la bouche de sa majesté qui a dicté nos démarches… Si jusqu’à présent nous n’avons pas cru devoir notifier au pape toute l’extension que le gouvernement donnait au décret du concile, nous avons encore moins songé à la lui dissimuler, et jamais notre caractère, notre honneur, ne nous l’eussent permis, pour peu que sa sainteté nous eût mis sur la voie, ce qu’elle n’a jamais fait, nous regardant en