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L’émoi de M. de Barral et de ses collègues fut considérable quand ils reçurent par l’entremise de M. Bigot l’injonction inattendue de l’empereur. Avant que le pape n’eût libellé son bref, ils avaient discuté entre eux : la convenance qu’il y aurait à produire formellement cette prétention. Seul, l’archevêque nommé de Malines avait été d’avis qu’il fallait insister auprès du saint-père afin qu’il insérât textuellement l’assertion que le décret s’appliquait a à tous les évêchés réunis ou à réunir tant à l’empire qu’au royaume d’Italie[1]. » M. de Barral avait soutenu l’opinion contraire. Il était, il est vrai, tombé d’accord avec son collègue que le décret devait être entendu en ce sens, qu’il englobait réellement toute cette généralité. Sans nul doute, les évêques députés près du pape ne devaient pas le moins du monde le lui dissimuler, si l’occasion se présentait de le dire, a Aussi, continuait l’archevêque de Tours, nous l’avons dit aux cardinaux et à l’archevêque d’Edesse. Ceux-ci, à qui votre excellence avait communiqué les intentions de l’empereur, l’ont dit au pape, et néanmoins il ne paraît pas que cette connaissance qu’on lui a donnée mette obstacle à la confirmation pure et simple. Autre chose est toutefois que le pape s’y attende, ajoutait-il avec grande raison, et autre chose qu’on l’oblige de force à l’insérer dans la confirmation qu’il doit donner… Le pape serait certainement lieu de se récrier qu’on ne voulût recevoir de sa part aucune modification ou réserve, tandis qu’on porterait la rigueur jusqu’à exiger de lui des développemens à un décret qu’on lui demande de confirmer purement et simplement[2]. » La décision à prendre avait été mise aux voix au sein de la députation, et, leurs instructions sous les yeux, les évêques s’étaient à l’unanimité rangés de l’avis de M. de Barral.

L’archevêque de Tours était d’autant plus consterné en apprenant qu’il s’était mépris sur les intentions de Napoléon qu’il venait justement de se laisser aller aux plus flatteuses espérances. Nous voyons par ses lettres confidentielles à M. Bigot de Préameneu qu’il faisait effort en ce moment pour se mettre au mieux dans l’esprit du pape, et qu’il se flattait d’y avoir réussi. Toute son ambition tendait à employer les heureuses ressources de son influence naissante pour amener entre l’empereur et Pie VII un définitif et complet rapprochement[3]. Tremblant de voir renverser du premier coup les séduisans projets qui lui tenaient si fort à cœur, M. de Barral essaya d’abord de représenter combien la démarche en question

  1. Lettre de M. de Barral, archevêque de Tours, au ministre des cultes, 10 septembre 1811.
  2. Ibid.
  3. Lettres et notes confidentielles adressées à M. Bigot de Préameneu, ministre des cultes, par l’archevêque de Tours, 28 septembre 1811.