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des pays de montagnes. Plus lourde que l’huile, l’eau vient occuper le fond des interstices ; le pétrole surnage, et se trouve surmonté à son tour par les gaz. Les spouters sont dus à la pression que ces gaz exercent à la surface de l’huile. Selon la position des fissures, il peut donc se faire qu’elles soient pleines seulement d’eau, de gaz pu d’huile, ou bien de deux de ces corps, ou enfin de tous les trois ensemble, ce qui est le cas le plus fréquent lorsque les crevasses ont de grandes dimensions. Il suffira souvent d’une différence de quelques mètres pour qu’un sondeur heureux amène le pétrole du premier coup, tandis que son voisin verra jaillir ou devra pomper, souvent sans résultat, un volume d’eau prodigieux, et qu’un troisième donnera tout simplement issue à des gaz inflammables.

La sortie de ces gaz entraînait autrefois des conflagrations terribles, occasionnées le plus souvent par l’imprudence des fumeurs ; aujourd’hui les hommes d’huile en tirent un excellent parti pour chauffer leurs chaudières, évitant ainsi la dépense du bois ou du charbon, dont le transport est très coûteux dans cette petite vallée entrecoupée de torrens. Pour cela, ils empêchent de propos délibéré l’apparition des spouters, qui étaient d’abord si recherchés. Toutes les fois que la sonde rencontre une veine de gaz, le seed bag intervient pour la séparer de la veine d’huile ou d’eau salée, et ce gaz est conduit par un mince tuyau jusque dans le foyer de la machine motrice. Il semble au premier abord qu’il serait préférable de laisser couler spontanément le liquide au lieu de le pomper ; mais, la pression intérieure des gaz ayant beaucoup diminué depuis que le sol est criblé d’orifices, la durée de la vie des flowing wells se trouve fort raccourcie, et, tout compte fait, l’économie de combustible réalisée par l’emploi des gaz est supérieure à la dépense qu’entraîne le travail de la pompe. On voit même des exploitans disposer d’un volume de gaz assez considérable pour vendre à leurs voisins, les chercheurs de pétrole, toute la chaleur nécessaire à la marche de leurs outils de sondage. Le sol est tellement imprégné de matières inflammables que sur la plupart des exploitations un petit tube amène le surplus des gaz au sommet du derrick, où ils brûlent nuit et jour. Après le coucher du soleil, ces langues de feu vacillent au vent comme des aigrettes, tous les ravins s’illuminent spontanément à la même heure, tandis que la grande musique des eaux tombant des cascades et précipitées à travers les rapides maintient un caractère sauvage à ces beaux sites, où la nature et l’homme travaillent ensemble dans une féconde intimité.

Les pumping wells, les puits d’où l’on extrait l’huile au moyen de pompes à vapeur, forment donc aujourd’hui le mode fondamental d’exploitation dans le comté de Venango ; mais au bout d’un temps plus ou moins long il arrive que ces poches se vident, soit parce