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la découverte des flowing wells les prétentions des détenteurs du sol ne l’ont presque jamais permis, et il a fallu exploiter sous le régime du lease. Cette sorte de contrat est avantageuse aux deux parties : le propriétaire reçoit comptant un denier à Dieu sur chaque acre de terre qu’il concède, puis il se réserve une part plus ou moins élevée sur les produits bruts de l’exploitation, à titre de royalty, en laissant toutes les dépenses à la charge de l’opérateur. Il y a des contrats qui abandonnent 1 baril de pétrole sur 10 en faveur du propriétaire ; mais celui-ci en exige le double ou le triple, s’il le peut[1]. La société qui avait acquis le territoire de Tarr-Farm obtint naturellement tout ce qu’elle voulut de ses sous-traitans, et, plutôt que de s’engager elle-même dans des travaux coûteux, elle laissa des étrangers percer la terre tout autour de Big-Phillips. Or il arriva un jour que vers la profondeur de 180 mètres une sonde voisine creva une poche énorme pleine d’eau salée ainsi que de gaz combustible. Cette fissure était sans doute en communication indirecte avec le système des crevasses à pétrole du premier puits, car le débit journalier de celui-ci baissa aussitôt d’une façon très sensible. Chose étrange, au bout de peu de temps, l’eau salée cessa de jaillir, et le débit de pétrole du premier puits augmenta immédiatement ; mais les concessionnaires, soutenus par l’espoir d’obtenir de l’huile s’ils parvenaient à épuiser l’eau salée, mirent la pompe en mouvement, ce qui déprima de nouveau la production du puits à pétrole. La guerre continua de la sorte pendant quelques semaines, puis une transaction intervint, car c’est presque toujours ainsi que les choses se terminent chez ce peuple à tempérament industriel et pacifique. Le puits d’eau salée fut abandonné moyennant une réduction de la royalty exigible sur l’ensemble de la concession, et quelques mois plus tard les mêmes concessionnaires avaient percé de nouveaux puits dont le rendement en pétrole, tout en les dédommageant de leur premier insuccès, valut aux propriétaires une redevance bien supérieure au déficit que cet insuccès leur avait causé.

Le régime capricieux des puits à pétrole tient à ce que ce liquide ne circule pas sous la terre. Il est emprisonné dans des crevasses produites par le travail auquel est soumise la croûte terrestre. Ces crevasses communiquent souvent entre elles par des réseaux de petite canaux, ainsi qu’on peut l’observer tout à l’aise aux parois des galeries de certaines mines de houille et dans les ravins à pic

  1. Au Canada, où le gouvernement anglais possède encore de grandes étendues de terres a pétrole, le système des concessions par l’état est en vigueur, et le plus souvent elles portent sur des réserves indiennes. L’opérateur est alors tenu de payer une certaine somme par acre de terres et cette sommé est distribuée chaque année aux Indiens par le gouvernement local.