Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 80.djvu/881

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
LE PETROLE
ET
LES HOMMES D'HUILE DE L'AMERIQUE DU NORD

Le pétrole, — l’huile de pierre, — était connu dès la plus haute antiquité ; mais c’est de plus moins de dix ans qu’il s’est imposé à l’attention publique. Tout a concouru à lui faire ce grand succès. L’éclairage au pétrole est véritablement démocratique, il fournit beaucoup de lumière à très bas prix. Les débuts de ce combustible liquide étaient d’ailleurs rehaussés par une mise en scène bien faite pour lui donner une notoriété bruyante. — Fortunes de princes édifiées en un jour comme au temps de Law, paysages enflammés pendant des semaines entières, navires sautant en mer, cargaisons brûlant sur les quais et dans les docks au bord de fleuves qui roulaient des nappes de feu, explosions meurtrières au sein des villes, tous ces incidens, aussitôt répétés par les journaux de tous les pays, remuaient les imaginations dans les deux mondes. L’industrie nouvelle grandissait toujours et traversait victorieusement une série de crises violentes causées à la fois par les incertitudes d’un mode d’exploitation tout primitif et par les fureurs du jeu. Maintenant que l’extraction, le traitement et le transport du pétrole se font d’une manière sûre et méthodique, que les compagnies factices créées pendant la « fièvre de l’huile » par des spéculateurs sans scrupule ont cédé la place à des entreprises sérieuses conduites avec intégrité, le moment semble venu d’esquisser les traits principaux du plus curieux peut-être des épisodes du mouvement industriel contemporain. Une pareille étude semble d’autant plus