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de l’église, la dîme serait rétablie, et les ecclésiastiques exemptés de l’impôt, conformément aux lois canoniques.

Sommes-nous enfin arrivés au terme des dispositions destinées à anéantir l’œuvre de Joseph II et l’indépendance du pouvoir civil ? Non : il reste un dernier article à citer. Quoiqu’on ait tout livré à la discrétion de l’épiscopat, le mariage, l’instruction, l’imprimerie, la propriété, il eût pu se faire que quelques manifestations de la vie individuelle eût échappé à la domination sacerdotale. Un article général y a pourvu. « Tout ce qui a rapport aux personnes ou aux intérêts ecclésiastiques et qui n’est pas déjà réglé précédemment sera dirigé selon l’enseignement de l’église et les décisions du saint-siège. » On comprend que la généralité de ces termes ait effrayé les Autrichiens. Quel est l’acte qui ne touche pas aux intérêts de l’église et auquel on ne puisse appliquer les arrêts des papes et des conciles ? N’ont-ils pas déclaré que l’état doit être soumis à l’église, comme le corps est à l’âme ? La fameuse constitution Unam sanctam ne décide-t-elle pas que les successeurs de saint Pierre disposent à la fois du glaive spirituel et du glaive temporel ? Les théologiens n’enseignent-ils pas partout, en France et en Allemagne comme en Autriche, que la vraie souveraineté appartient à l’église, parce que seule elle connaît la vérité, qui est l’unique source d’un pouvoir légitime ? Ce sont là, dira-t-on, des chimères empruntées aux temps passés, et dont il n’y a plus lieu de s’occuper au XIXe siècle. On oublie qu’aucune de ces prétentions, qui paraissent si surannées, n’a été abandonnée par ce corps puissant à qui appartient le gouvernement des consciences, et que toutes ont été explicitement ou implicitement consacrées par le concordat qui est encore en vigueur en Autriche aujourd’hui.

Cet important document nous permet de voir quel serait le sort des nations qui, renonçant à lutter contre l’influence sacerdotale, accepteraient des mains du saint-siège l’organisation que Rome déclare être conforme aux saints canons. D’abord l’état serait soumis au contrôle du pape, qui annulerait toute loi contraire à ce qu’il appelle les droits de l’église. C’est un pouvoir qu’il exerce chaque fois que l’intérêt ecclésiastique semble menacé. Parlant de lois votées en Espagne, en Italie, en Suisse, au Mexique, le pape a toujours dit : « Nous condamnons, réprouvons et déclarons absolument nuls et de nul effet tous les actes que le pouvoir civil a faits avec un si grand mépris de l’autorité apostolique. » C’est donc le pape qui décide quelles sont les lois qui seront exécutées et celles qui ne le seront pas. L’église est reconnue propriétaire de droit divin. Rien ne s’oppose plus à l’extension indéfinie de la mainmorte, que, même sous l’ancien régime, des souverains comme Philippe II et Marie-Thérèse voulaient contenir dans certaines limites. Grâce