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corporation est un être fictif, une personne civile, que la loi soutient de son autorité et peut par conséquent anéantir. Les individus composant les églises, fidèles ou prêtres, peuvent posséder à titre personnel ; mais les églises n’ont point par elles-mêmes d’existence légale. Si elles existent comme corporations, c’est uniquement parce que l’état leur en a conféré le privilège, et par conséquent il peut en tracer les limites ou même y mettre un terme. Le pape prétend qu’il tient de Dieu même la propriété du sol ; mais si d’autres ministres du culte élevaient la même prétention en se fondant sur le Koran ou sur le Zendavesta, quel moyen l’état aurait-il de trancher le différend ?

Ce ne sont point les principes modernes que le concordat autrichien a reconnus, c’est la doctrine canonique qu’il a sanctionnée. « L’église jouira de son droit d’acquérir librement de nouveaux biens à tout titre légitime ; la propriété de ce qu’elle possède en ce moment ou qu’elle acquerra par la suite lui sera solennellement assurée d’une manière inviolable. » On a eu soin de mettre « son droit » afin de bien marquer que ce droit ne lui est pas concédé par l’état, qu’il existe antérieurement, absolument. Pour accroître plus rapidement le patrimoine ecclésiastique, tous les prêtres auront la faculté de disposer de leurs biens, conformément aux a saintes lois de l’église. » Les évêques pourront aussi introduire et établir dans leurs diocèses des ordres religieux et des congrégations des deux sexes, conformément aux sacrés canons. Rien n’est plus logique. Si l’église en effet existe de droit divin et si elle n’est pas soumise à la juridiction civile, on ne voit pas où l’état puiserait le droit d’interdire l’existence des corporations religieuses.

Ce n’est pas tout encore. Quand on parle du rétablissement de la dîme, il semble qu’on veuille évoquer un souvenir du moyen âge. Il faudrait pourtant se rappeler que pour l’église le passé est le présent, et que contre elle la prescription ne court pas. Selon le concile de Trente, le paiement des dîmes est dû à Dieu, décimarum solutio débita Deo, et quiconque les refuse ou les envahit est frappe d’anathème. Contre la société laïque, la revendication est éternelle, œterna auctoritas. Aussi les dîmes ne sont-elles pas oubliées dans le concordat autrichien. Elles continueront à être perçues partout où elles n’ont pas été abolies. Là où elles l’ont été, « le pape permet qu’à titre de compensation le gouvernement impérial assigne des domaines ou des rentes sur l’état. » Ainsi donc le droit de percevoir les dîmes est maintenu dans son entier, et si l’église n’en réclame point partout, comme en Autriche, le rétablissement ou l’équivalent, c’est par égard pour la difficulté des circonstances. » Si donc les circonstances devenaient plus favorables, si les peuples, revenus de leurs erreurs, reconnaissaient l’autorité