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restreinte admise par le concordat de 1855, ne laissa pas de soulever en Autriche de sérieuses résistances. D’après l’article 10, « le juge ecclésiastique devait seul connaître des causes relatives au mariage conformément aux sacrés canons et surtout aux décrets du concile de Trente, parce que tout ce qui concerne la foi, les sacremens et les fonctions religieuses est de la compétence exclusive du tribunal ecclésiastique. » Cette disposition, qui sanctionnait toutes les prétentions du saint-siège, devait alarmer à la fois et les dissidens, nombreux dans certaines parties de l’empire, en Hongrie surtout, et les partisans de l’ancienne législation, qui maintenait l’indépendance du pouvoir civil. Par le célèbre édit de 1784, Joseph II, précédant la révolution française, avait posé le vrai fondement de la vie civile et des sociétés modernes en des termes d’une précision et d’une vigueur telles qu’on oserait à peine les employer maintenant. Ces termes font si grand honneur au gouvernement autrichien du XVIIIe siècle qu’il peut être utile de les reproduire dans les circonstances actuelles. « Le mariage considéré comme contrat civil, les droits et les liens civils qui en résultent, tenant leur existence et leur force entièrement et uniquement de la puissance civile, la connaissance et la décision des différends relatifs à ces objets et tout ce qui en dépend doit appartenir aux tribunaux civils exclusivement. Nous interdisons en conséquence à tout juge ecclésiastique, sous peine de nullité absolue, d’en prendre connaissance en aucune manière, qu’il s’agisse de la validité ou de la non-validité du mariage, de la légitimité ou de l’illégitimité des enfans, de promesses de mariage, de fiançailles ou de tel autre chef que ce puisse être ayant du rapport à ce contrat ou à ses effets. » On le voit, l’édit de Joseph II repoussait d’une façon aussi absolue que l’a fait depuis la législation française le dogme catholique qui, considérant le mariage comme une institution purement religieuse, le soumet à la juridiction exclusive du clergé. Sur ce point encore, le concordat restaura le moyen âge en donnant force de lois aux décisions des conciles. C’était pour les dissidens une source d’inquiétudes et de tourmens à cause des mariages mixtes. Quand deux dissidens se mariaient, leur union était prononcée par le ministre du culte auquel ils appartenaient ; mais comment faire quand l’un des deux conjoints était catholique et l’autre protestant ? Le traité de Westphalie avait décidé que le mariage se ferait devant le curé et devant le pasteur, et que les enfans du sexe masculin seraient de la religion du père, ceux du sexe féminin de la religion de la mère. Ces prescriptions étaient suivies dans la plus grande partie de l’Allemagne ; mais, depuis une trentaine d’années, le clergé catholique a décidé qu’il ne s’y soumettrait plus. Il refuse son concours, à moins que la partie dissidente