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Trente qui doivent être appliqués. Néanmoins l’obéissance aux nouvelles lois confessionnelles est encore loin d’être généralement obtenue.

L’une des grandes forces de l’église, c’est la fidélité ; à ses traditions. Jamais elle ne renonce à aucun de ses privilèges. Ceux dont elle a joui au moyen âge, elle les réclame encore au XIXe siècle, quelque étranges qu’ils puissent paraître. S’il en est un qui soit de nature à scandaliser notre époque, c’est sans contredit le droit d’asile, qui au moyen âge déjà soulevait de si vives réclamations. Le concordat autrichien n’en rétablit pas moins ce droit exorbitant « pour l’honneur de la maison de Dieu, qui est le roi des rois et le seigneur des seigneurs, » dit le texte. Soustraire des criminels à la justice paraît une singulière façon d’honorer Dieu. C’est pourtant une prérogative à laquelle le saint-siège tient beaucoup. Elle est garantie aussi par les autres concordats conclus après celui de 1855. Je trouve dans celui de la république de l’Equateur : « L’immunité des temples sera respectée ; néanmoins lorsque les exigences de la sécurité publique l’exigeront, le saint-siège consent que l’autorité ecclésiastique accorde au gouvernement, sur sa demande, l’autorisation de saisir ceux qui se seraient réfugiés dans des édifices consacrés. » Les termes de cet article font bien voir comment on entend à Rome la souveraineté des nations. Ce n’est pas elles qui doivent commander sur leur propre territoire : le vrai souverain, c’est le pape. C’est lui qui « consent » à ce que les magistrats arrêtent les criminels, bien entendu après en avoir obtenu l’autorisation du prêtre compétent. Le droit d’asile doit être encore en vigueur en Autriche, car le concordat n’a pas été aboli ; mais je doute qu’il en soit fréquemment fait usage.

Après l’école, c’est le mariage sur lequel l’église a toujours le plus tenu à exercer son empire. Par le mariage, source de la famille, elle s’empare de la société. Elle ne reconnaît plus aujourd’hui que l’union consacrée par le sacrement ; elle seule par conséquent décide qui peut se marier et à quelles conditions. Autrefois elle admettait comme valable, paraît-il, le contrat naturel, auquel venait s’ajouter ensuite la bénédiction nuptiale, qui est l’un des sept sacremens[1]. Le mariage civil n’est plus maintenant à ses yeux qu’un abominable concubinage ; matrimonim civile omnino

  1. Cette question a été parfaitement élucidée au point de vue des principes gallicans, par M. F. Huet, dans une étude sur le concordat de 1855. Voyez les Essais sur la réforme catholique. Le gallicanisme était une ingénieuse tentative pour mettre le catholicisme en harmonie avec la liberté des peuples et l’indépendance du pouvoir civil ; mais cette nuance, proscrite déjà, sera probablement déclarée hérétique par le futur concile.