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anglais, observateurs si judicieux, j’avoue que la déduction de cause à effet me parut un peu forcée. Néanmoins, avant de se prononcer, il faut se rappeler l’histoire ecclésiastique de l’Autriche, l’origine, les dispositions du concordat, et en apprécier l’influence.

Depuis la fin du XVIe jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, l’Autriche et l’Espagne ont été gouvernées dans le même esprit. Ferdinand II est le pendant de Philippe II. L’éducation des deux princes avait été la même ; Ferdinand II, l’élève docile des jésuites, avait aussi pour devise : « plutôt un désert qu’un pays peuplé d’hérétiques. » Il la mit en pratique d’une manière inexorable. Les dissidens furent dépouillés de leurs biens, égorgés, réduits à abjurer ou à fuir. Ces impitoyables persécutions et les guerres qui suivirent enlevèrent à la Bohême et aux provinces héréditaires les deux tiers de la population. On estime que cinq millions de personnes périrent dans les supplices, dans les combats, ou moururent de misère. L’orthodoxie triompha. Ferdinand mérita le titre de « très vaillant défenseur de lai foi. » Il avait toujours l’un de ses deux confesseurs près de lui, et il ne faisait rien sans l’avoir consultée A partir de ce moment, l’Autriche devient un véritable état théocratique. Le clergé règne en maître. A la cour, l’étiquette castillane transforme les hommes en machines. Une sorte d’apathie léthargique envahit le pays : l’industrie languit ou meurt, l’agriculture reste stationnaire ; les esprits semblent s’engourdir. — Pas un monument remarquable, pas un homme d’élite ne date de cette époque. Ce qui empêcha l’Autriche de tomber aussi bas que la fière et malheureuse Espagne, c’est la communauté de langue avec l’Allemagne du nord, qui, malgré toutes les proscriptions, lui fit prendre part au mouvement d’idées du XVIIIe et du XIXe siècle. Néanmoins la faiblesse de l’Autriche était si grande qu’elle eût péri sous Marie-Thérèse sans la vaillance des Hongrois, qui avaient, eux, échappé au joug de l’absolutisme cléricale

Joseph II comprit qu’il fallait porter remède à une situation aussi grave. Il s’y appliqua avec un zèle qui lui fait le plus grand honneur, mais avec une hâte, une impatience fébrile, qui compromirent ses réformes. Il poursuivait un double but : il voulait à la fois soustraire la société civile à l’influence exclusive du clergé et modifier chez le clergé lui-même les principes du moyen âge par l’action des idées modernes. Les lois fameuses qui portent son nom