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dans tous ses détails à une troisième lecture, et, une fois voté par les communes, sera-t-il accueilli par la chambre des lords ? Dans tous les cas, le principe a triomphé, et, selon le mot de M. Gladstone, on peut désormais « compter les jours, les mois, qui restent à vivre à l’église établie d’Irlande. »

Après cela, tout sera-t-il fini en Irlande ? verra-t-on disparaître aussitôt le mécontentement irlandais, selon le mot ironique de M. Disraeli ? Assurément non. Si libéral que soit le bill actuel, il ne touche qu’une partie du problème, il laisse de côté la question des terres, qui est tout aussi sérieuse, et il ne désarmera pas d’un seul coup les Irlandais. En ce moment même, les démonstrations hostiles se reproduisent en Irlande, et on assassine quelque peu. Les fenians mis en liberté sont portés en triomphe. Le bill sur l’église, en faisant disparaître un des griefs de l’Irlande, n’aura pas moins une influence calmante qui pénétrera insensiblement dans les esprits, et par cela même il est un gage de sécurité et de force pour l’Angleterre. Un membre du cabinet de Londres rappelait l’autre jour que, dans l’opinion du premier Napoléon, l’état de l’Irlande représentait une diversion de quarante mille hommes au détriment de la puissance anglaise. On peut en vérité être juste lorsque dans un acte de justice on trouve une force de plus, et s’il y a quelque chose d’étonnant, c’est que l’Angleterre n’y ait pas songé plus tôt.

Une situation curieuse et malheureusement peu rassurante, c’est celle de l’Espagne. Bien loin de se dégager de ses obscurités et de ses embarras, cette situation ne fait que s’aggraver, comme il arrive toujours quand on ne sait pas où l’on va. Elle s’aggrave par le malaise qui gagne le pays, par la confusion qui envahit l’assemblée de Madrid, par les insurrections qui se succèdent. Il y a quelque temps, c’était à Cadix et à Malaga qu’on se battait ; ces jours derniers, c’est à Xérès que le sang a coulé dans la guerre civile. Le prétexte a été cette fois la conscription, la levée du contingent militaire, demain ce sera le rétablissement de quelque impôt, car enfin on a beau faire des révolutions, on a beau promettre qu’il n’y aura plus ni conscription ni impôts, il y a des nécessités premières qui s’imposent, et alors les populations abusées sont à la merci des agitateurs républicains ou carlistes. Le fait est que le désordre est un peu partout au-delà des Pyrénées, principalement en Andalousie, et l’Espagne n’est pas plus avancée aujourd’hui qu’il y a quelques mois sur le point essentiel, sur le gouvernement qu’elle doit avoir. Elle est toujours à la recherche d’un roi ; mais quel roi ? Hier c’était le duc de Montpensier qui avait toutes les chances, aujourd’hui c’est vers le roi dom Fernando qu’on paraît revenir, sans doute sous l’influence obstinée de M. Olozaga, qui vient de rentrer à Madrid pour coopérer à la grande œuvre de la constitution nouvelle. Il refuse, il est vrai, ce brave roi portugais, il aime la tranquillité, il n’est pas assuré contre les catastrophes. N’importe, on le séduira, on lui portera la couronne de saint Ferdinand sur