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ne figurait point au milieu de cette troupe, qu’il n’a pu défiler devant les étrangers, et qu’il est resté, invisible, dans ses temples de Kioto. Il n’en est rien cependant ; le mikado, un tout jeune enfant, a été cette fois encore un instrument docile entre les mains de ceux qui le mènent, et c’est moins sa présence à Yeddo que celle de la cour qui a pu amener les récentes résolutions des daïmios du nord. Ils verraient dans ce déplacement momentané ou définitif du chef nominal du gouvernement le moyen de le soustraire à l’influence exclusive du sud, contre laquelle ils protestaient les armes à la main. Ils se sont toujours déclarés les humbles sujets du mikado, et le verraient arriver près d’eux sans aucune intention hostile.

La révolution qui a renversé l’ancienne organisation politique du Japon n’est assurément pas terminée, et nous devons interrompre notre récit à la date actuelle sans pouvoir pressentir la solution définitive de la crise. Quelles sont les chances de durée du nouveau gouvernement qui essaie de se fonder autour du mikado ? Par lui-même, comme nous l’avons vu, il n’a aucun moyen matériel d’action. Les princes qui viennent de lutter à main armée vont-ils s’accorder pour le consolider, ou la trêve est-elle destinée à préparer une nouvelle lutte après l’hiver ? Les nombreux petits daïmios ou gonfoudaïs ont disparu entièrement de la scène ; mais les grands daïmios qui sont restés en dehors de toute participation aux opérations vont-ils revendiquer leur droit de prendre part à la direction du pays ? Nul, parmi les étrangers, ne saurait prévoir l’aspect que présentera l’organisation du Japon à la fin de cette laborieuse période. Deviendra-t-il un ensemble d’états confédérés, ou bien, ce qu’il faut lui souhaiter, l’ancienne suprématie des shiogouns renaîtra-t-elle sous une autre forme pour rassembler les daïmios dans une même obéissance au pouvoir central et rétablir l’unité du pays ? Il faudrait, pour que ce dernier résultat se produisît, qu’un chef énergique et animé ouvertement du seul désir du bien public parvînt à acquérir une force matérielle et morale qui lui permît d’attirer à lui les élémens épars dont se compose aujourd’hui le Japon. Cette force, devra-t-on la chercher dans ces hommes que nous avons vus jouer le premier rôle au milieu des événemens. de ce récit, les daïmios du nord ou du sud, les Tokoungawa ? Nous ne croyons pas qu’aucun d’eux ait exercé une action personnelle et décisive dans cette révolution. Cette observation nous révèle un des plus curieux côtés de l’état social du pays. Les daïmios des grandes familles du Japon paraissent n’exercer qu’une autorité fort restreinte sur la classe des kéraïs, officiers qui, en leur nom, gouvernent militairement et civilement leurs provinces. Le rôle de chacun de ces daïmios se rapprocherait donc de ce qu’était celui