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d’Osaka dans le centre du Quanto sans coup férir, ont continué leur marche en dépassant Yeddo. Ils se sont heurtés tout d’abord aux débris des troupes taïcounales qui, sans obéir à l’injonction de leur maître, s’étaient retirées avec armes et bagages ; de là une série de combats qui ont pris bientôt un caractère plus sérieux par l’arrivée d’un nouvel élément sur le théâtre de la lutte. Quelques-uns des daïmios qui se partagent la grande étendue de territoire formant la partie nord de Nipon, et à leur tête le prince gonkammongké d’Aïdzou, ont envoyé des secours aux troupes qui se battaient sur la frontière du Quanto, puis, devant les progrès des kangouns, ont continué la lutte pour défendre leurs territoires. Elle s’est poursuivie pendant plusieurs mois, présentant une série d’escarmouches et de combats isolés sans grande portée ; tel est en effet le caractère de ces guerres intérieures du Japon, où les plus grandes armées sont de 2 ou 3,000 hommes. A l’heure où nous écrivons, les daïmios du nord paraissent renoncer à la lutte, non pas qu’ils aient été forcés dans leurs citadelles, mais sans doute parce qu’ils ont, grâce à l’affirmation de leur force militaire, obtenu les conditions pour lesquelles ils avaient pris les armes.

S’il est difficile d’apprécier les véritables motifs de la résistance des princes du nord, en dehors d’une ancienne rivalité avec le sud, on est encore moins éclairé sur les circonstances déterminantes comme sur la sincérité de leur soumission. Elle pourrait toutefois se rattacher à un événement avec lequel elle coïncide. Il y a peu de temps, le mikado est entré à Yeddo, accompagné de sa cour et de grands daïmios qui lui faisaient escorte. Les étrangers ont été admis, le 25 novembre dernier, à voir passer à Kanagawa, entouré d’un nombreux cortège, le palanquin dans lequel l’empereur du Japon se cachait à tous les yeux. Le mikado doit rester plusieurs mois à Yeddo, peut-être plus longtemps, et y recevoir en audience les ministres étrangers. Ces mesures pourraient bien faire perdre au souverain légitime du Japon le prestige moral qui seul lui restait encore au fond du palais où depuis des siècles les shiogouns confinaient le royal prisonnier. La voix du peuple accuse cette impression : la population indigène à Yokohama répète que le mikado