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défection générale lui conseillèrent en vain la résistance. Son parti était pris ; soit que le découragement se fût emparé de lui, soit que, jugeant sa situation avec ces idées japonaises dont nous possédons encore si peu la clé, il voulût par cette conduite ménager son retour futur au pouvoir, Stotsbachi renonçait à diriger ou à brusquer les événemens. C’est déjà déterminé à une abstention complète qu’il reçut les envoyés de quelques princes du nord de Nipon qui demandaient à prendre les armes et à combattre les envahisseurs, et qu’il tint conseil avec les officiers de la mission militaire française, appelés en conférence. Ces derniers, restés d’ailleurs en dehors de toute participation aux opérations de la courte campagne d’Osaka, lui conseillèrent, en raison des moyens qu’il avait encore à sa disposition et de la situation militaire du Quanto, de prendre au moins quelques mesures de défense. Il n’en voulut rien faire. Le ministre de France, après avoir eu avec Stotsbachi plusieurs entretiens à Yeddo, vit sans doute qu’il n’y avait plus à tenter de modifier ses résolutions. Il se décida donc à repartir pour Hiogo et à y rejoindre ses collègues, qui étaient restés dans cette ville depuis l’abandon d’Osaka. Sous l’influence anglaise, qui patronnait le nouveau gouvernement du mikado et lui avait fait même accepter un plan de constitution décrété en mars 1868, les ministres étrangers à Hiogo avaient déclaré officiellement qu’ils resteraient neutres vis-à-vis des partis en guerre. Cette mesure, qui donnait une première consécration au gouvernement naissant, était exigée par les progrès de ses armes, et un attaché de notre légation, laissé à Hiogo par M. Roches à son départ, avait signé la déclaration au nom de la France. Un attentat commis contre les étrangers à Kobé, dans les premiers jours de février, par des troupes du prince de Bizen passant dans cette ville avait été, après de longs pourparlers, puni de la décapitation du chef de la troupe. Le condamné toutefois, par faveur spéciale de ses juges, avait été admis à s’ouvrir le ventre avant la décapitation, genre de mort qui sauvait son nom et sa famille du déshonneur, et cette cérémonie s’était accomplie le 2 mars 1868 dans un temple de Hiogo, devant les délégués du mikado et ceux des ministres étrangers. Après le règlement de cet incident, les ministres, priés par la cour de Kioto d’inviter leurs nationaux à reprendre leurs affaires et de revenir à Osaka, s’y abouchèrent avec les représentans du nouveau gouvernement. Ces derniers leur annoncèrent que le mikado, abandonnant à son tour les traditions de mystère qui le cachaient à tous les yeux, désirait les recevoir lui-même en audience dans son palais de Kioto. Sir Harry Parkes seul se disposait à s’y rendre, et ses collègues, peu désireux de s’engager à reconnaître aussi complètement le nouvel ordre de choses, étaient sur le point de repartir pour Yokohama, lorsqu’un