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UNE
REVOLUTION AU JAPON

LA CHUTE DU GOUVERNEMENT DU TAÏCOUN ET LES DAÏMIOS

Le Japon, il y a quelques années, restait le dernier pays de l’extrême Orient encore inexploré. Ses côtes semées d’écueils, dangereuses en toute saison, éloignaient les navires. Quand un bâtiment de guerre s’aventurait à venir mouiller sur une de ses rades, une flottille d’embarcations armées l’entourait sur-le-champ comme d’un cordon sanitaire, les canons des batteries étaient braqués sur lui, et des officiers venaient à bord notifier les décrets impériaux qui depuis deux siècles fermaient le pays aux étrangers. Supplié de ne pas enfreindre ces ordres, et menacé, s’il les violait, d’un conflit immédiat, le capitaine s’éloignait à regret de cette terre mystérieuse. Seuls, sur un coin de l’extrémité sud du Japon, quelques Hollandais étaient parqués et gardés à vue sur l’îlot de Décima. Le commerce qu’il leur était permis de faire était restreint à un petit nombre de marchandises que deux navires leur apportaient chaque année à époque fixe. De temps à autre, les chefs de la factorerie, conduits à Yeddo sous bonne escorte et dans un palanquin, avaient pu traverser ainsi les provinces centrales du Japon. Leurs récits incomplets, les relations des pères portugais au XVe siècle, entachées de l’exagération commune aux voyageurs de cette époque et écrites à un point de vue particulier, tels étaient les seuls documens qu’on possédât sur l’intérieur de cette région. La contrée néanmoins était trop riche et trop populeuse pour se maintenir indéfiniment dans cet état d’isolement absolu. L’expansion de la race