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sont impossibles chez l’embryon. Selon Darwin, qui accepte ici avec raison la manière de voir de Geoffroy Saint-Hilaire, c’est chez ce dernier que se manifestent les variations initiales, et celles-ci ont d’ordinaire pour cause une altération des organes reproducteurs mâles et femelles, altération existant avant l’acte de la conception. Il est certainement possible que cette explication ait quelque chose de fondé. Pourtant lorsque Darwin invoque à l’appui de son opinion l’infécondité d’animaux réduits en captivité et qui, bien portans d’ailleurs, cessent de se reproduire, l’analogie me semble quelque peu vague et bien lointaine.

Le savant anglais cherche à diminuer le plus possible le rôle joué par le milieu extérieur dans la production des variétés. Il me semble difficile d’accepter ses restrictions sur ce point. Les observations faites par Geoffroy jusque chez l’homme lui-même, les expériences qu’il avait commencées sur les œufs de poule, et que M. Dareste a reprises avec tant de persévérance et de talent, me paraissent avoir mis hors de doute l’action exercée par les agens du dehors. En faisant simplement varier l’intensité ou le mode d’application de la chaleur, le second de ces expérimentateurs en est arrivé à produire presque à coup sur la plupart des monstres à un seul corps qui peuvent se présenter chez les oiseaux, à reconnaître le mécanisme de leur formation et l’enchaînement des altérations les plus légères aux déformations les plus graves. On ne saurait nier ici l’action directe de l’agent extérieur sur le germe en voie de développement. Or Darwin lui-même reconnaît le lien intime qui rattache la variété à la monstruosité. Celle-ci n’est bien souvent que l’exagération de celle-là. Des causes sans cesse en action, et que nous voyons être assez puissantes pour déformer complètement les organismes, doivent à plus forte raison les faire souvent varier. Les poulets créoles perdant leur duvet de naissance et restant nus jusqu’à l’apparition des vraies plumes, les cochons sauvages des hauts plateaux des Cordillères acquérant au contraire une espèce de laine sous l’action d’un froid modéré, mais continu, nous fournissent des exemples de ce phénomène[1]. C’est donc aux actions de milieu, s’exerçant immédiatement sur l’embryon des ovipares et par l’intermédiaire de la mère sur celui des vivipares, que nous reporterons généralement les modifications individuelles qui constituent les variétés.

Du reste, les explications peuvent différer, le fait lui-même est indiscutable. Quelles que soient les théories, tous les naturalistes sont ici d’accord. Ces modifications peuvent toucher à la monstruo-

  1. Recherches sur quelques changemens observés dans les animaux domestiques transportés de l’ancien monde dans le nouveau continent, par M. Roulin (Mémoires des savans étrangers à l’Académie des Sciences, t. V).