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diplomatiques du Vatican. Il y a tout lieu de penser que l’aimable mémoire de Consalvi restera chère encore, malgré les attaques du père Theiner, à l’immense majorité des catholiques. Dût notre supposition le surprendre beaucoup, nous croyons même que cette irritation morale qu’il blâme si fort chez le cardinal, sans doute parce qu’en semblables circonstances il ne l’eût éprouvée à aucun degré et que la raison ne lui en apparaît point, ces mêmes catholiques sont assez disposés à la trouver simple, naturelle, à tout le moins assez excusable de la part d’un prince de l’église violemment enlevé de Rome, gardé à vue et espionné dans sa prison de Reims (ce sont les termes mêmes du père Theiner) dans le moment où son ami et son maître, le chef de la catholicité, était, lui aussi, gardé à vue et espionné dans sa prison de Savone. Nous irons plus loin ? Si le père Theiner n’était pas Prussien, comme il a soin de le constater, peut-être se serait-il douté qu’en dépit de ses prodigieux efforts il aurait quelque peine, dans un pays comme le nôtre, à faire passer l’abbé Bernier pour un digne prêtre ; et le cardinal Caprara pour le plus parfait des légats. S’il n’était même complètement étranger, à ce qu’il paraît, aux affaires intérieures et pour ainsi dire intimes du clergé français, s’il n’était pas de ces terribles défenseurs qui, par gaucherie, nuisent à leur cliens et obligent, quoi qu’ils en aient, les gens rassis à révéler ce qu’ils auraient préféré taire, mais ce qui est malheureusement connu des ecclésiastiques bien informés, il saurait que son héros, l’abbé Bernier, est mort la rage au cœur parce que Pie VII et l’empereur, qui l’appréciaient ce qu’il valait, l’avaient tous deux jugé indigne de recevoir la pourpre. Il n’ignorerait pas enfin que le cardinal Caprara, son ambassadeur modèle, a terminé ses jours dans une sorte d’imbécillité sénile, méprisé de tous, après avoir refusé de se rendre à Rome pour partager le sort de ses collègues les membres du sacré-collège, après avoir accepté de l’empereur le siège de Milan et le paiement de ses dettes, juste au moment où le souverain pontife, son maître, était enfermé plus étroitement que jamais dans sa prison de Savone. Voilà les hommes qui ont la sympathie d’un directeur des archives du Vatican ! Voilà les exemples édifians qu’il propose à l’imitation des clergés de France et d’Italie, de préférence à ceux du cardinal Consalvi, qu’il dénigre, et de l’abbé Émery, qu’il nomme à peine, parce que tous deux ont eu le tort, impardonnable à ses yeux, d’avoir trop peu de complaisance pour l’empereur et trop de compassion pour Pie VII.

Quant à mon tort, à moi, c’est d’avoir uniquement fondé mon récit sur le témoignage d’un personnage aussi peu digne de créance que le cardinal Consalvi ; ce tort, il paraît que je l’ai beaucoup aggravé en allant chercher la véritable pensée du secrétaire d’état et du serviteur dévoué de Pie VII, plutôt dans les mémoires qu’il a laissés que dans les dépêches qu’il a écrites. Le père Theiner a fait à ce sujet la plus surprenante des