Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 80.djvu/639

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bien fait là-dessus, distribué au conseil d’état, qui dise qu’admettre les prétentions du pape, ce serait détruire le droit commun, etc.[1].


Voilà dans sa prodigieuse ingénuité, et signé de sa propre main, l’honnête programme que traçait à son ministre des cultes le souverain qui tout à l’heure se méfiait si fort des pièges qui lui étaient tendus par les ruses italiennes. Non, quoi qu’en ait dit Napoléon, ce n’est pas lui qui risquait d’être dupe en cette affaire. Il avait trop bien pris toutes ses précautions. Pie VII, qui, lui, ne redoutait pas de surprise parce qu’il n’en avait préparé aucune, était si loin de deviner dans quelles embûches on voulait l’attirer, qu’il s’empressa de donner sans défiance les bulles d’institution qui lui étaient demandées. Si quelques retards avaient eu lieu, ils provenaient uniquement de l’état où l’empereur avait réduit le saint-père en arrachant violemment d’auprès de sa personne tout l’entourage ecclésiastique auquel revenait naturellement le soin d’accomplir une pareille besogne. « On s’occupe dans la maison du pape, écrit M. de Chabrol, de l’expédition des bulles qui ont été réclamées. Le défaut d’habitude pour la rédaction de cette sorte d’écrits est la seule cause qui en retarde la remise[2]. » Maintenant que, par cet octroi empressé des bulles nécessaires à l’institution de ceux que Napoléon appelait ses évêques, Pie VII avait donné si ample satisfaction au chef de l’empire, il fallait à toute force que celui-ci, pour garder le bénéfice de son mécontentement, trouvât moyen de mettre en avant quelques nouvelles exigences auxquelles, malgré toute sa bonne volonté, la conscience de son prisonnier ne lui permît pas d’accéder. Les incidens qui marquèrent ce nouveau démêlé entre Pie VII et Napoléon ont été si singuliers et sont si peu connus que nous sommes obligé d’en remettre le récit à notre prochaine étude.


D’HAUSSONVILLE.


Au moment où nous achevions de corriger les épreuves des pages qu’on vient de lire, on nous a remis le premier volume d’un ouvrage que le public accueillera certainement avec curiosité. Il a pour titre : Histoire des deux concordats de la république française et de la république italienne, conclus en 1801 et 1803 entre Napoléon et le saint-siège. Le révérend père Theiner, préfet des archives du Vatican, consulteur

  1. Lettre de l’empereur à M. le comte Bigot de Préameneu, 26 octobre 1811. (Cette lettre n’est pas insérée dans la Correspondance de Napoléon Ier.)
  2. M. de Chabrol à M. le comte Bigot de Préameneu, 12 octobre 1811.