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Il est bien entendu que je ne prétends pas énumérer toutes les questions obscures qu’il a résolues et les innombrables détails dans lesquels il a introduit la lumière. Je m’en tiens aux points les plus importans, et je cherche seulement à indiquer les idées nouvelles qu’il apporte dans l’histoire des origines du christianisme.

Personne avant lui n’avait montré d’une façon aussi nette et par des argumens aussi précis les efforts qu’a faits l’église dans les trois premiers siècles pour vivre en paix avec le pouvoir. Il a prouvé qu’au lieu de se mettre en révolte ouverte contre les lois, elle avait essayé de se servir de celles qui lui étaient favorables et même d’entrer dans le cadre des institutions régulières de l’empire. Ces faits ne nous surprennent pas, nous pouvions les soupçonner; mais nous n’en avions pas de preuves aussi évidentes que celles qu’il nous donne. On sait que le christianisme fut une des seules sectes juives de son temps qui n’ait pas été à la fois une insurrection politique et une réforme religieuse. Il a déclaré dès le début qu’il pouvait s’accommoder de tous les gouvernemens et vivre dans tous les milieux. Son fondateur a prêché la soumission à César dans un pays frémissant et déjà presque rebelle. Les apôtres, fidèles à la doctrine du maître, exigent qu’on obéisse à tous ceux qui sont élevés en dignité. Saint Paul surtout paraît avoir pris beaucoup de peine pour que la religion nouvelle parvînt à vivre et à s’entendre avec l’ancienne société. Il ne veut pas qu’elle apporte aucune perturbation dans la famille et dans l’état. Il défend aux chrétiens qui ont des femmes infidèles de s’en séparer, il leur donne l’ordre « de demeurer dans la position où ils étaient quand ils ont été appelés, et de s’y tenir devant le Seigneur. » Ce précepte concerne l’esclave comme l’homme libre; ils doivent tous respecter la hiérarchie sociale et rendre à chacun ce qui lui est dû, « le tribut à qui on doit le tribut, la crainte à qui on doit la crainte. » Il faut surtout qu’on soit soumis au prince, « qui est le ministre de Dieu pour favoriser les fidèles dans le bien. » Les chrétiens ont rigoureusement accompli dans la suite ces préceptes de l’apôtre. Les persécutions elles-mêmes n’en firent pas des révoltés. Malgré la façon cruelle dont on les traitait et qui ne devait pas les disposer à la soumission, on ne les a trouvés nulle part ouvertement mêlés aux troubles de l’empire. Tertullien dit qu’ils priaient pour l’empereur qui les persécutait, et qu’ils demandaient à Dieu pour lui « une longue vie, un pouvoir respecté, une famille heureuse, des armées vaillantes, un sénat fidèle, un peuple obéissant et le repos de l’univers. » Il y a pourtant alors de certains pays où ils paraissent moins résignés et où des cris de colère leur échappent. Dans la Judée, que les Romains avaient tant de peine à dompter, dans la Syrie et dans l’Egypte, où le peuple