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d’ombrages à l’égard des prêtres, et lui-même s’occupait des moyens de les placer de plus en plus sous son joug. C’est ainsi que nous le voyons s’adresser directement à cette époque au grand-juge afin de savoir si le code pénal renferme des articles assez sévères pour réprimer efficacement les excès des ecclésiastiques, et témoigner une véritable satisfaction quand il a reçu l’assurance que sous ce rapport le code pénal ne laisse absolument rien à désirer[1]. Il se plaint en même temps avec colère à son ministre des cultes de ce qui se passe dans certaines parties de l’empire, notamment à Bois-le-Duc, où des vicaires apostoliques se sont permis d’exercer sans son autorisation des fonctions religieuses. « Je ferais plutôt fermer les églises d’Amsterdam et du Brabant hollandais que de souffrir des vicaires apostoliques. Il me paraîtrait en effet préférable, ne craint pas d’ajouter ce chef d’état qui revendiquait alors hautement le droit de nommer sans la participation du pape à tous les diocèses de France et d’Italie, il me paraîtrait préférable de n’avoir pas de culte en ces pays à en avoir un dirigé par des agens du pape sans l’intermédiaire de l’évêché…[2]. »

Les instructions qu’il entendait remettre aux évêques qui allaient partir pour Savone ne pouvaient point ne pas se ressentir de la violente irritation à laquelle l’empereur se trouvait alors en proie. Cependant il ordonna par précaution à M. Bigot de Préameneu d’en discuter préalablement les clauses avec eux. Rien de moins ménagé que les expressions dont il se sert en cette occasion pour leur faire connaître ses volontés. «… Le décret du concile comprendra tous les évêchés de l’empire, même l’évêché de Rome. Toute réserve que le pape ferait pour l’évêché de Rome, je ne l’accepterai ni n’y mettrai d’opposition ; mais pour tout évêché autre que celui de Rome je ne pourrais en admettre, cela romprait l’unité de mon empire. Bois-le-Duc, Munster, la Toscane, l’Illyrie, tous les évêchés environnant Rome, doivent être compris dans le décret, hors l’évêché de Rome… Mon intention n’est pas d’avoir à Rome un beaucoup plus grand nombre d’évêchés que dans les autres parties de mon empire. Ainsi non-seulement je ne reviendrai pas sur ceux qui sont supprimés, mais je suis dans l’intention de m’entendre avec le pape pour en supprimer d’autres. En France, il y a un évêque par cinq cent mille âmes ; à Rome, j’aurai un évêque pour cent mille âmes,

  1. « Votre majesté a chargé la commission qu’elle a nommée pour s’occuper d’un projet de décret relatif à l’institution canonique d’examiner si le code pénal contenait les moyens de répression suffisans contre les excès des ecclésiastiques, surtout contre les mandemens séditieux et incendiaires qui tendraient à troubler la tranquillité de l’état, ou même à diffamer et à déshonorer des familles et des particuliers… Le code pénal ne laisse rien à désirer. » — Extrait du second rapport du grand-juge, août 1811.
  2. Lettre de l’empereur au comte Bigot de Préameneu, Saint-Cloud, 16 août 1811 » — Correspondance de Napoléon Ier, t. XXII, p. 408.