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peu à peu une place honorable dans ses rangs. » Le prince abordait ensuite les dispositions générales de la constitution qu’il allait donner à son pays. Ce n’était pas un projet de loi à discuter, c’était une constitution qu’on devait voter, à laquelle on devait prêter serment, et Milosch ne doutait pas de l’assentiment unanime de la nation. « Ce statut vous sera lu ; vous y verrez que les droits généraux de la nation et ceux de chaque particulier sont fixés en détail comme l’humanité le prescrit ; vous y trouverez la liberté personnelle pour chacun, vous y trouverez aussi que chaque Serbe est maître de sa propriété. Nous devons tous prêter serment d’observer ce statut, nous ici présens, aussi bien que le reste de nos frères. Nous devons tous jurer les uns aux autres, — le prince aux autorités et à la nation, la nation au prince et aux autorités, — que nous observerons ce statut aussi religieusement que l’Évangile, que nous n’en dévierons pas de la largeur d’un doigt sans le consentement de nous tous et du peuple entier. » Ce discours se terminait enfin par un exposé des arrangemens financiers de Milosch, exposé dont le lecteur ne nous reprochera pas sans doute de reproduire ici le texte même, car il peint naïvement la simplicité primitive de la Serbie ; quelle image plus fidèle pourrions-nous donner de ce gouvernement à la fois patriarcal et despotique ? Si Milosch était un despote, il est curieux de voir quelles entraves il essayait de s’imposer à lui-même. Les hommes chargés comme lui d’organiser un pays où tout est à faire, un pays entouré d’embûches et que des dissensions intérieures peuvent ruiner à jamais, sont quelquefois excusables de céder aux entraînemens du pouvoir souverain ; Milosch, qui cédera tant de fois et à ces entraînemens de situation et aux violences de son caractère, s’efforce du moins de se prémunir contre l’écueil. Un des points les plus périlleux, c’était la gestion des finances. Écoutons le prince-paysan.


« J’ai tenu ma promesse d’établir une administration intérieure légale ; je passe maintenant à un autre point important de mon discours de l’an dernier, la manière dont les impôts doivent être répartis dans la nation. Le peuple serbe est obligé de faire face aux dépenses suivantes : le tribut du sultan, la liste civile du prince et de sa famille, la solde des employés de l’état et des évêques, les dépenses pour l’entretien des troupes nécessaires à la paix et au bon ordre, les dépenses pour l’entretien des gardes aux frontières qui nous défendent, afin que personne du dehors ne nous surprenne, les dépenses de la poste, les dépenses pour la construction et l’entretien des lazarets, pour la députation à Constantinople, pour nos agens en d’autres pays, enfin les dépenses accidentelles ou imprévues. Toutes ces dépenses ont été payées jusqu’ici au