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du Bashilo, elle se retrouva sur ce même plateau de Dalanta d’où elle était partie huit jours plus tôt pour attaquer l’armée du négus, incertaine encore du succès de la campagne. Comme les événemens avaient marché depuis ce jour, et combien aussi étaient différentes les pensées de tous ! C’était pour la dernière fois que se trouvaient réunies les forces qui avaient combattu à Magdala. Pour opérer cette longue et pénible retraite de trente-cinq marches, le commandant en chef devait diviser son armée en plusieurs petites colonnes, capables de traverser plus aisément qu’une seule colonne nombreuse un pays difficile et dépourvu de ressources. Le 20 avril, avant de se séparer de ses compagnons d’armes, sir Robert Napier les passa en revue sur le plateau de Dalanta, voulant rester lui-même avec l’arrière-garde. Le mouvement de retraite commença dès le lendemain. Le 23 avril, le quartier-général quittait à son tour Dalanta. Les incidens de cette marche rappelèrent, à très peu de différence, ceux qui avaient signalé le mouvement en avant de l’armée. Si le travail des sapeurs, poussé sans relâche pendant toute la campagne, avait pu aplanir les plus sérieux obstacles du terrain, l’abondance était loin d’avoir augmenté depuis le premier passage des colonnes anglaises. Les faibles ressources du pays étaient depuis longtemps épuisées. Jusqu’à Antalo, où le général en chef arriva le 12 mai, les privations furent toujours les mêmes. Quelques orages épouvantables qui fondirent sur les bivouacs furent d’ailleurs pour les troupes la cause de nouvelles souffrances.

Le récit des événemens de cette rapide campagne nous a entraînés jusqu’à Magdala, à la suite du quartier-général, sans avoir eu le temps de jeter un coup d’œil en arrière. On pourrait s’étonner que, sur près de 14,000 combattans envoyés en Abyssinie, 5,000 à peine eussent pris une part active à l’expédition. Ce serait une grave erreur de penser que les autres troupes fussent restées inactives, pendant les trois mois qu’avait duré la marche en avant de la colonne d’opération. Sir Robert Napier n’avait pas entendu se jeter à l’aventure avec une poignée d’hommes dans un pays inconnu et si loin de sa base. Jamais les communications d’une armée ne furent mieux assurées, et, si les approvisionnemens réclamés impérieusement ne purent toujours arriver, la véritable raison fut l’impossibilité de les faire suivre à travers un pays de montagnes dépourvu de routes. La longueur de la ligne d’opérations, qui ne comprenait pas moins de 650 kilomètres de Zoulla à Magdala, donnera l’idée du nombre des détachemens et de l’effectif des troupes qui furent employées à maintenir les communications. La cavalerie irrégulière de l’Inde rendit les plus utiles services ; sans cesse en marche, la nuit comme le jour, au milieu des montagnes les plus escarpées et des précipices, ces cavaliers indigènes,