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quelques compagnies de sapeurs de l’Inde complétaient la colonne expéditionnaire, à laquelle vinrent s’adjoindre quelques jours plus tard deux escadrons de dragons de la garde qui rallièrent le camp devant Magdala. Pour les opérations, ces forces avaient été réparties en deux brigades mixtes comprenant des troupes de toutes armes.

Pendant leur séjour sur le plateau de Dalanta, les Anglais eurent à subir plusieurs violens orages, prélude ordinaire de la saison des pluies. Les pénibles épreuves qui en résultèrent pour tous durent donner à réfléchir sur les difficultés que présenterait la retraite, si l’armée était attardée dans ses opérations. D’un autre côté, si on touchait le but, on était presque aussi loin d’une solution qu’en mettant le pied sur la terre d’Abyssinie. Rien ne pouvait faire prévoir l’issue de cette aventureuse campagne ; les rapports des espions, les renseignemens fournis par les chefs indigènes venus spontanément au camp anglais, ne laissaient rien soupçonner des dispositions de l’ennemi. Tout ce qu’on savait, c’est que Théodoros occupait Magdala avec les prisonniers ; les forces qu’il y avait rassemblées indiquaient la. pensée d’une résistance sérieuse. C’était un grand point pour l’armée anglaise, qui si longtemps avait eu la crainte de ne jamais rencontrer d’ennemi à combattre. La lutte une fois engagée, l’issue n’en pouvait être douteuse, et le seul échec que pouvait craindre la politique de l’Angleterre, c’était le massacre des prisonniers dans le cas où le roi Théodoros serait exaspéré par cette lutte. Plus le coup porté serait rapide, plus on devait compter sur un succès complet.

Tous ces motifs augmentaient l’impatience de sir Robert Napier. Dès qu’il eut réuni les moyens d’agir qu’il attendait et rassemblé les données les plus indispensables sur les positions et les forces de l’ennemi, il résolut de marcher sans retard. Le camp fut levé le 10 avril au matin ; l’armée s’engagea sur les pentes qui dominent la rivière Bashilo. Cette descente fut plus longue et peut-être plus difficile encore que celle du Djedda, et en renouvela toutes les péripéties. Vers midi, toutes les forces étaient réunies au fond de la vallée, au bord d’un ruisseau aux eaux limoneuses coulant au milieu de bancs, de grèves et de galets qui forment le lit du Bashilo pendant la saison des pluies. Malgré la proximité des positions de l’armée de Théodoros, rien ne faisait soupçonner qu’on pût rencontrer l’ennemi ce jour-là. Une reconnaissance conduite par le quartier-maître-général de l’armée fut envoyée dans la direction de Magdala. Le major-général, sir Charles Staveley, qui avait le commandement direct des troupes, reçut l’ordre d’appuyer cette reconnaissance et d’aller occuper avec la première brigade un des