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porteurs de sacs de grain, ou parfois des caravanes de chameaux venues du littoral de la Mer-Rouge avec un chargement de sel. Ce trafic insignifiant se fait par des sentiers mal tracés selon les formes du terrain, la viabilité étant restée à l’état de nature. Pour faire passer une armée suivie d’artillerie de campagne, il était nécessaire d’améliorer du moins les passages les plus difficiles. Les Anglais se contentèrent de quelques coups de pioche tout à fait indispensables.

Du sein du plateau du Tigré surgissent de toutes parts, et plus accentuées vers l’ouest, des montagnes aux formes bizarres, au sommet horizontal bordé de murailles à pic et à arêtes rectilignes. Ces montagnes, appelées ambas, forment le trait caractéristique de l’orographie abyssine. Des crevasses plus ou moins profonde, et dont les formes rappellent les barrancas du Mexique, se remarquent aussi dès l’entrée sur les plateaux. D’ailleurs l’aspect général est triste et dénudé : peu ou point de végétation, pas d’arbres, peu de cultures ; le sol est rocailleux et souvent couvert de hautes herbes desséchées pendant la plus grande partie de l’année. De loin en loin, on rencontre quelques villages de misérable apparence, la plupart à demi ruinés ; on sent que la guerre civile a passé par là, et que l’industrie des habitans n’a pu relever les ruines amoncelées. Peu ou point de centres de population de quelque importance ; un peu de grain, orge, blé, maïs, quelques chevaux ou mulets et de chétifs troupeaux de bœufs constituent à peu près les seules ressources du Tigré. L’eau se trouve d’ailleurs presque partout en quantité suffisante pour les besoins d’une armée.

Pas plus que le pays, les habitans n’offrent l’occasion d’études bien variées. Les voyageurs ont depuis longtemps fait connaître les Abyssins, et quelques-uns se sont plu à les peindre sous les plus séduisantes couleurs. On a vanté leur bravoure, leur caractère bienveillant et hospitalier, leur foi religieuse, leurs mœurs douces et patriarcales. Il se peut qu’un séjour prolongé au milieu de ces populations, qu’un contact plus intime avec elles permette de recueillir d’intéressantes observations ; mais à première vue l’on ne rencontre pas en Abyssinie de ces types qui frappent comme chez tant de peuples de l’Orient, dont les costumes, les mœurs et le caractère sont à chaque pas l’objet de nouvelles surprises. Des traits réguliers, une taille élevée et bien prise, distinguent l’Abyssin du nègre, dont il a d’ailleurs la peau foncée. Quant à son costume, il se compose invariablement d’une chemise et d’un pantalon de toile blanche, et d’une grande pièce d’étoffe de même couleur, bordée d’une large raie rouge, dans laquelle il est constamment drapé. La seule chose qui prête à sa physionomie un type original c’est sa coiffure ; chez l’homme, comme chez la femme, de longs cheveux