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Zoulla après l’expédition ; ce chiffre est de 42,699. On peut trouver cette force hors de proportion avec le but à atteindre ; mais, si l’on réfléchit à toutes les difficultés que devait prévoir un commandant en chef engagé dans une aussi aventureuse entreprise, si l’on se remet en mémoire les prédictions d’une campagne de plusieurs années, prédictions qu’il eût été imprudent de traiter alors de chimériques, on conviendra qu’avec ses 14,000 combattans l’armée anglaise était vraiment en mesure de faire face à toutes les éventualités que pouvait redouter la prudence du gouvernement britannique. Quant aux 27,000 suivans et au nombre exorbitant des animaux de transport, il est bon de rappeler que les habitudes de l’armée des Indes ne ressemblent en rien à celles des armées de l’Europe. Les privations extrêmes que dut s’imposer le corps expéditionnaire d’Abyssinie sembleraient d’ailleurs prouver que ces chiffres n’avaient rien d’excessif.

La reconnaissance qui, dès les premiers jours d’octobre, avait touché les rivages de la Mer-Rouge était composée d’un petit corps de troupes, à l’aide desquelles il fut possible d’entreprendre les travaux les plus urgens pour l’installation d’un camp dans la plaine de Zoulla. Lorsque le choix de cette base d’opérations eut été arrêté, l’embarquement des soldats put commencer à Bombay, et pendant les mois de novembre et de décembre 1867 une grande partie du corps expéditionnaire arriva dans la baie d’Annesley. Le matériel, les animaux, les approvisionnerons, s’accumulèrent sur le rivage. Les travaux de routes, l’organisation des magasins et de tous les établissemens nécessaires à l’armée furent poussés activement. Si l’ordre le plus parfait ne présida pas toujours à l’installation du corps expéditionnaire, la faute en fut à la nature des choses ; il serait injuste d’en faire un reproche aux chefs chargés de cette difficile organisation, et dont la sollicitude et l’activité furent infatigables. Tout était à créer sur cette plage inhospitalière, et en revoyant les mêmes lieux six mois plus tard il était impossible de ne pas admirer ce que l’armée anglaise y avait dépensé de génie inventif et de labeurs incessans. Les arrivages se succédaient sans interruption. Sans compter les vaisseaux de guerre, les remorqueurs et les petits bâtimens affectés à des services spéciaux, 291 navires nolisés par le gouvernement britannique sillonnèrent sans relâche les mers entre Annesley-Bay, Suez et les rivages de l’Inde. Le commandant en chef n’avait pu quitter Bombay, où il était retenu par la nécessité de compléter l’organisation imparfaite de son armée. Celle-ci manquait avant tout d’un personnel pour ce service des transports qui allait comprendre tant d’animaux. Doit-on s’étonner que les mulets, les chameaux, arrivant de toutes parts et entassés