Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 80.djvu/538

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

montagnes à la mer ; la configuration du terrain semblait rendre facile l’exécution de ce projet. Presque partout il suffisait de poser les rails sur le sol ; mais tout le matériel dut venir de Bombay.

Pendant que le génie s’occupait de ces premiers et indispensables travaux, des études furent dirigées sur les routes qui pourraient donner accès sur le plateau. Il n’existe, à proprement parler, en Abyssinie aucune route, et, pour franchir la formidable chaîne de montagnes qui ferme ce pays du côté de la mer, on ne trouve que de rares sentiers suivant le lit de torrens ordinairement desséchés pendant une partie de l’année. Les reconnaissances firent adopter la passe de Kumoylé, à peu près inconnue et inexplorée jusque-là. Elle avait l’avantage d’être la plus directe et celle qui nécessitait le moins de travaux. Le temps pressait : il fallait que l’expédition pût être terminée avant la saison des pluies. L’établissement dans cette gorge d’une route praticable n’exigea pas moins de trois mois d’efforts. A un certain endroit où il fallait traverser un étranglement formé par des roches granitiques, on dut ouvrir un passage à la mine. Deux compagnies de sapeurs, aidées de deux compagnies d’infanterie indigène, y furent employées pendant ces trois mois. Enfin, à l’extrémité du défilé, le génie fit ramper sur le flanc abrupt de la montagne une route en lacets de 3 kilomètres de longueur. Le résultat de ces travaux, qui font le plus grand honneur aux ingénieurs de l’armée anglaise, fut d’établir entre Zoulla et Sénafé une voie carrossable large de Il mètres, sur une distance de plus de 100 kilomètres.

Pendant ce temps, le corps expéditionnaire était organisé à Bombay. Le gouvernement de la reine en avait fixé la force et la composition d’après les propositions mêmes de sir Robert Napier. L’armée devait comprendre 4 régimens d’infanterie européenne et 10 d’infanterie indigène, 2 escadrons de dragons anglais, Il régimens de cavalerie de l’Inde, 5 batteries d’artillerie, 1 compagnie d’ingénieurs européens, 9 compagnies de sapeurs de l’Inde, des services administratifs en proportion considérable, enfin un nombreux personnel de domestiques, de suivans, et des animaux de transport de toute espèce. L’effectif des combattans consistait en 500 officiers de tous grades, 4,500 soldats européens et 9,500 indigènes ; le nombre des suivans attachés à l’armée atteignait 27,000. Les animaux comprenaient environ 2,500 chevaux de selle ou de trait pour la cavalerie et l’artillerie, 16,000 mulets, 1,600 chevaux de bât, 6,000 chameaux, 1,800 ânes, 7,000 bœufs de trait ou de bât et 44 éléphans destinés au transport de l’artillerie de campagne dans les régions montagneuses. Un chiffre donnera une idée exacte de ce qu’était l’effectif de ce corps expéditionnaire, c’est le total général des hommes embarqués à