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Un climat meurtrier, des marches harassantes à la poursuite d’un ennemi dont la tactique serait de toujours se retirer, le manque absolu de ressources dans le pays, devaient finir par triompher de l’énergie et de la patience du soldat, et tous ces efforts aboutiraient à une humiliante retraite. Le massacre des prisonniers européens serait, ajoutait-on, la conséquence fatale de L’envahissement du territoire abyssin, conséquence d’autant plus fatale qu’on ne pourrait laver cet affront nouveau. Un jour, la nouvelle de la prise de Magdala et de la mort de Théodoros vint surprendre l’opinion dans ces pensées. Ce succès brillant, ce dénomment rapide, firent exalter la valeur de l’armée d’Abyssinien les talens de son général en chef, et bientôt la retraite des vainqueurs rendit à l’expédition son véritable caractère.


I

En 1867, à la suite de différends dont les lecteurs de la Revue ont pu suivre les péripéties[1], l’Angleterre résolut de châtier par les armes les bravades de Théodoros. On s’occupa sans retard d’assurer une prompte et décisive exécution des mesures militaires votées par le parlement. Le gouvernement des Indes fut chargé de l’organisation de l’armée expéditionnaire, et Bombay fut fixé comme le point de : concentration et d’embarquement des forces anglaises, qui devaient être placées sous les ordres du lieutenant-général sir Robert Napier, commandant en chef des troupes de la présidence de Bombay. Une partie du matériel et des approvisionnemens devant être expédiée d’Angleterre, le ministère des Indes et celui de la guerre se mirent aussi à l’œuvre. Des officiers furent envoyés dans diverses stations de la Méditerranée, et dans le Levant, pour acheter un nombre considérable d’animaux de transport. Le gouvernement de l’Inde ne pouvait en fournir une quantité suffisante. Le foreign-office obtint de la Porte et de l’Égypte l’autorisation de faire traverser aux troupes le territoire égyptien et d’établir à Alexandrie et à Suez des dépôts de matériel et d’animaux. Le 16 septembre 1867 partait de Bombay une reconnaissance chargée d’explorer le littoral de la Mer-Rouge pour déterminer un point de débarquement et de préparer l’établissement d’une première base d’opérations. La directions de cette reconnaissance était confiée au colonel Merewether, résident politique à Aden. Depuis l’origine du conflit abyssin, le colonel avait été mêlé à toutes les péripéties diplomatiques ; il avait

  1. Voyez, dans les livraisons du 1er juin 1865 et du 1er mars 1868, les études de M. Lejean sur l’Abyssinie, et le travail de M. Blerzy sur les actes qui ont déterminé la guerre, dans la Revue du 1er juillet 1868.