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qui commence : M. Gladstone est à l’œuvre, et M. Disraeli le guette pour le prendre en défaut. Ce qui sauve l’Angleterre dans ces luttes, c’est que l’essor de sa puissance ne s’arrête point, parce que l’esprit libéral et l’esprit conservateur se pondèrent jusque dans les actes les plus marqués de sa politique réformatrice.

Où en est aujourd’hui l’Espagne ? Après un mois de session de l’assemblée constituante, on n’a pas trop l’air de se hâter vers un dénoûment. Il y a toujours une certaine hésitation dans le gouvernement, dans la chambre, comme dans le pays. Il n’est pas difficile cependant de saisir la tendance des esprits. Ainsi il n’est plus douteux que la question de forme de gouvernement ne soit désormais à peu près tranchée. Le parti républicain a fait ce qu’il a pu, il reste impuissant ; la monarchie l’emporte tout à fait. Il y a mieux, cette question vient de faire un pas décisif, et, comme il arrive souvent, c’est le parti républicain lui-même qui, en voulant arrêter le mouvement monarchique, l’a précipité. Jusqu’ici, on avait hésité à briser la glace, comme on dit. Le nom du duc de Montpensier était partout, il n’avait pas été prononcé officiellement. Il a retenti tout récemment dans les cortès, et l’attitude du gouvernement a été telle qu’on peut désormais apercevoir sans effort tout ce que cette candidature a de sérieux. Le général Prim lui-même a parlé du prince de façon à laisser parfaitement entendre qu’il ne le comprenait pas dans son exclusion des Bourbons. Les choses en définitive en sont venues aujourd’hui à ce point qu’il n’y a plus de choix qu’entre cette candidature et un provisoire indéfini. Or le provisoire, c’est l’anarchie, et, comme conséquence infaillible, la réaction. C’est là ce qu’on sent de plus en plus en Espagne, et il ne serait point impossible que les interpellations des républicains proposant d’enlever au duc de Montpensier son titre de capitaine-général n’eussent pour résultat de hâter le moment oi on lui donnera une couronne.

Les États-Unis, quant à eux, regardent passer leurs princes, leurs dynasties, c’est-à-dire leurs présidens, et n’en sont pas plus troublés. Le 4 mars était, selon la coutume, la date fixée pour cet événement. M. Andrew Johnson s’éclipse sans bruit, sans exciter beaucoup de regrets. Maintenant c’est le général Ulysse Grant qui entre à la Maison-Blanche, dont il va être l’hôte pendant quatre ans, et avec lui c’est le dix-huitième président qui monte au pouvoir, c’est le quarante-unième congrès qui va s’ouvrir depuis que Washington a inauguré l’ère de l’indépendance américaine. On ne peut pas dire que le général Grant arrive à ce haut poste dans des conditions défavorables. Les États-Unis sont sortis intacts d’une crise effroyable, après avoir tranché définitivement par le glaive la seule question qui pouvait les menacer, et ils ont retrouvé aujourd’hui une paix féconde. Le nouveau président lui-même est entouré d’un singulier prestige ; il est aux yeux des Américains la personnification la plus