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tériens et la dotation du séminaire catholique de Maynooth, devra être employé à subvenir à des établissemens de bienfaisance qui n’ont aujourd’hui pour vivre que les produits de la taxe dite des comtés. La disparition de cette taxe est déjà un soulagement pour les tenanciers irlandais ; mais ce n’est pas tout : dans la vente des biens ecclésiastiques, les tenanciers actuels ont un droit de préemption, et peuvent rester en possession des terres qu’ils ont aujourd’hui en ferme. On leur en facilite les moyens ; c’est un stimulant pour la diffusion de la propriété. Le rachat des dîmes s’opère également par une ingénieuse combinaison financière dans un certain nombre d’années. Nous ne reproduisons que les traits sommaires. Le caractère essentiel de cette mesure, c’est une libérale équité envers l’Irlande, une généreuse réparation qui ne coûte à l’église protestante qu’un peu de son superflu.

Cela n’empêchera pas, bien entendu, l’anglicanisme de crier à la confiscation, à la spoliation, de se lamenter sur la ruine de la constitution de l’Angleterre, sur l’invasion du papisme romain passant à travers la brèche ouverte par l’abolition de l’église d’Irlande. On n’a pas tant attendu pour rallier les passions nationales et protestantes, et l’autre jour, à peine M. Gladstone avait-il exposé son plan au milieu des applaudissemens de la chambre des communes, M. Disraeli se levait pour déclarer que son parti s’opposerait de toute son énergie à cette mesure. De part et d’autre, on s’est donné rendez-vous à la seconde lecture du bill, qui doit avoir lieu prochainement. Ce sera le moment où s’engagera une lutte sérieuse. Le dénoûment n’est pas moins à peu près certain, dût le ministère se laisser prendre dans quelque guêpier préparé par l’habile stratégie de ses adversaires, dût M. Disraeli jouer à M. Gladstone un de ces tours comme il lui en a joué lors du bill de réforme électorale, et de toute façon cette question de l’église d’Irlande est un signe de plus du travail qui s’accomplit dans les mœurs et dans les institutions de l’Angleterre. Aujourd’hui c’est l’établissement religieux irlandais qui est mis en cause de façon à ne pouvoir survivre même à une victoire passagère et d’ailleurs fort imprévue des tories ; hier c’était le système électoral qui cédait sous la pression de l’opinion. Depuis que la chambre des communes est ouverte, les propositions se succèdent tous les jours, tantôt sur l’introduction du scrutin secret dans les élections, tantôt sur la nécessité de mettre les dépenses des hustings au compte des commettans, ce qui ouvrirait immédiatement l’entrée de la vie parlementaire au prolétariat politique. Il n’y a pas jusqu’au droit d’aînesse qui ne soit battu en brèche, et dont l’abolition n’ait été tout récemment l’objet d’une motion dans le parlement. Chacune de ces propositions est en vérité une révolution dans les mœurs anglaises. Elles ne réussiront pas toutes du premier coup. La plupart des ministres actuels, qui représentent le libéralisme ou une nuance de radicalisme au pouvoir, ne vont pas si loin ou si vile dans leur goût d’innovation. Dans tous les cas, voilà la campagne